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devoir être son héritier. « À son dîner, rapporte Dangeau, il nous parla avec plaisir sur ce que M. le duc de Bourgogne sera majeur dans six jours ; qu’il n’y avoit point de minorité à craindre en France, et que depuis la monarchie, on n’avoit point vu tout à la fois le grand-père, le père et le petit-fils en âge de gouverner[1]. » Quelques mois auparavant, pour marquer qu’il considéroit le duc de Bourgogne comme sorti de l’enfance, il l’avoit fait chevalier du Saint-Esprit. Par un privilège des fils de France, le duc de Bourgogne, comme son frère le duc d’Anjou, portait le collier depuis sa naissance. Mais, pour être chevalier avant vingt ans, il fallait une dispense d’âge. La cérémonie eut lieu le 22 mai 1695, jour de la Pentecôte. Le duc de Bourgogne et le duc d’Anjou furent reçus en même temps. Le duc de Berry ne put pas l’être parce qu’il n’avait pas encore fait sa première communion. Il en témoigna beaucoup de mauvaise humeur. La veille de la cérémonie, les deux jeunes princes avaient répété leurs révérences dans la chapelle du Palais : « Le jour même, quand ils furent arrivés dans la chapelle, et que tous les chevaliers eurent pris leur place, ils se mirent entre le prie-Dieu du Roi et l’autel, sur deux sièges qu’on leur avoit mis auprès du dais. Après la messe, le Roi les reçut chevaliers. Monseigneur et Monsieur les présentèrent ; ils firent toutes leurs révérences de fort bonne grâce et sans être embarrassés de leur grand manteau[2]. » À partir de ce jour, le duc de Bourgogne ne communia plus qu’en collier et en grand manteau.

À cet âge incertain, parfois si ingrat, parfois si charmant, qui conduit de l’adolescence à la jeunesse, sous quel aspect cet adolescent, cet éphèbe apparaissait-il aux yeux qui de tous les côtés se fixaient sur lui ? Demandons-le d’abord au maître peintre, à Saint-Simon. Bien que le portrait soit postérieur de quelques années, certains traits du visage ne changent point. « Il étoit plutôt petit que grand, le visage long et brun, le haut parfait avec les plus beaux yeux du monde, un regard vif, touchant, frappant, admirable, assez ordinairement doux, toujours perçant et une physionomie agréable, haute, fine, spirituelle, jusqu’à inspirer de l’esprit… ; des cheveux châtains, si crépus et en telle quantité qu’ils bouffoient à l’excès ; les lèvres et la bouche agréables. » Certains défauts de la figure, le nez un peu trop long, la mâchoire supérieure avançant un peu

  1. Dangeau, t. V, p. 251.
  2. Ibid., p. 209.