d’avoir lu Télémaque, Louis XIV se méfia instinctivement de Fénelon.
Quant au Télémaque lui-même, il est assez difficile de déterminer dans quelle mesure cet ouvrage célèbre a servi à l’éducation du duc de Bourgogne. On sait que la première édition ne parut qu’en 1699, et encore par l’infidélité d’un copiste. Mais, quoi qu’en ait dit assez étourdiment Voltaire dans son Siècle de Louis XIV, il n’est pas exact que Fénelon ait composé cet ouvrage en trois mois lorsqu’il était relégué dans son archevêché de Cambrai. « Il n’eût pas été convenable, ajoute l’auteur de la Pucelle, que les amours de Calypso et d’Eucharis eussent été les premières leçons qu’un prêtre donnât aux Enfans de France. « Un mémoire adressé par Fénelon au Père Le Tellier établit au contraire avec évidence que le Télémaque fut écrit pendant que Fénelon était encore à la cour, « dans un temps où il était encore charmé de la confiance et de la bonté du Roi[1]. Je n’ai jamais songé, ajoute-t-il dans ce même mémoire, qu’à amuser M. le duc de Bourgogne par ces aventures, et qu’à l’instruire en l’amusant, sans jamais vouloir donner cet ouvrage au public. » L’intention n’est donc pas douteuse, mais le duc de Bourgogne eut-il connaissance des différens livres du poème, au fur et à mesure qu’ils s’écoulaient de la plume facile de Fénelon, comme il eut connaissance des Fables ou des Dialogues des morts? Le cardinal de Beausset[2] suppose au contraire, dans sa Vie de Fénelon, qu’il avait composé le Télémaque dans l’intention de le présenter au duc de Bourgogne à l’époque de son mariage, et au moment où son éducation aurait été finie. « C’était assurément, ajoute-t-il, la plus belle leçon et le plus beau présent que pût faire un précepteur à un jeune prince destiné à régner. » La supposition du vénérable cardinal ne nous paraît guère vraisemblable, étant donnée la grande intimité qui existait entre le maître et l’élève. Le duc de Bourgogne devait avoir l’habitude de prendre immédiatement connaissance de tout ce qui sortait de la plume de Fénelon. Il est peu probable qu’il l’ait vu s’appliquer à écrire, en quelque sorte sous ses yeux, un ouvrage en sept livres sans lui demander ce qu’il écrivait; peu probable également que Fénelon se soit refusé à lui en communiquer au moins des fragmens. D’ailleurs il n’est pas seulement question de l’art