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Fénelon n’était, auprès du duc de Beauvilliers, qu’un assez mince personnage. De plus, Beauvilliers était un homme trop consciencieux pour se décharger complètement sur qui que ce fût d’une charge aussi importante que celle de gouverneur. Enfin des documens inédits[1] qui nous ont passé sous les yeux ont achevé de nous convaincre que l’influence morale, exercée par lui sur le duc de Bourgogne, fut considérable. Nous chercherons à faire la part de ces deux influences dans l’éducation du duc de Bourgogne.

Au milieu des œuvres complètes de Fénelon[2] on trouve, bien qu’il n’y soit guère à sa place, un Mémoire sur l’éducation des ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Berry, qui est l’œuvre du marquis de Louville, ce gentilhomme de la manche du duc d’Anjou dont nous avons parlé. Ce mémoire, dont on peut fixer la date à 1696, donne de précieux renseignements sur la manière dont étaient élevés les trois enfans de France, car les deux frères cadets du duc de Bourgogne avaient été successivement retirés des mains de la maréchale de la Mothe et placés sous l’autorité de Beauvilliers et de Fénelon. Il est assez remarquable qu’à chaque page en quelque sorte de ce mémoire, Louville fait intervenir l’autorité de Beauvilliers, tandis que le nom de Fénelon n’y est mentionné qu’une fois. « La manière dont on élève les Enfans de France, par rapport à leur santé, dit-il dès les premières lignes, n’est pas approuvée des médecins, et il a fallu que M. le duc de Beauvilliers ait pris beaucoup sur lui, et que le Roi ait autant de confiance en lui qu’il en a, pour lui avoir permis d’en user comme il a fait à cet égard. » Il entre ensuite dans certains détails curieux sur le régime alimentaire des jeunes princes.

Leur premier repas se composait de pain sec et d’un grand verre d’eau et de vin ou d’eau pure à leur choix. A leur dîner ou à leur souper, trois jours de la semaine, ils mangeaient du bœuf bouilli; les autres jours des fricassées de poulets ou des tourtes; très peu de ragoûts. Le rôti se composait de poulardes ou de perdrix. On les forçait à manger beaucoup de pain. Ils buvaient deux coups de bourgogne, jamais plus, et jamais non plus de bière, de cidre, ni de vin de liqueurs. A leur collation, comme au déjeuner

  1. Nous voulons parler d’une correspondance entre le duc de Bourgogne et Beauvilliers, dont la publication prochaine a été annoncée par une remarquable introduction de M. le marquis de Vogué, si compétent dans les choses du XVIe siècle, et auquel on doit déjà les intéressantes études sur Villars publiées par la Revue.
  2. Édition de Saint-Sulpice, t. VII, p. 519.