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tomber le titre, et passer en d’autres mains la charge de premier gentilhomme de la chambre dont le duc de Saint-Aignan s’était déjà démis en faveur de son fils aîné, comme il devait bientôt se démettre de sa pairie en faveur du second, conservant cependant le titre de duc de Saint-Aignan, et ne lui laissant prendre que celui de duc de Beauvilliers. Lorsque, au nom de ce qu’il devait à sa famille, Beauvilliers fut ainsi mis en demeure d’opter entre la vie de cour et la vie ecclésiastique, entre l’appel du monde et l’appel de Dieu, il dut y avoir lutte dans sa conscience et déchirement dans son cœur, car, bien différent de son père, homme de cour par excellence qui avait joué autrefois entre Louis XIV et Mlle de La Vallière un rôle assez équivoque, il était d’une nature profondément religieuse. Cette carrière d’Église, qui était une obligation pénible imposée à beaucoup de cadets, lui convenait au contraire à merveille. Gentilhomme de la chambre, ministre d’État, chef du conseil des finances, ne s’éloignant jamais de la cour, ayant son logement à Versailles, il n’en continua pas moins de faire dans ses journées une part presque aussi large aux pratiques pieuses que l’aurait pu faire un de ces gentilshommes retirés du monde, Tréville ou le chevalier de Sévigné, qui partageaient à Port-Royal la vie des solitaires. Chaque jour, il consacrait une heure et demie à des exercices de piété, et il communiait ouvertement deux fois par semaine. Monseigneur, auquel on avait assuré qu’il ne se confessait pas aussi souvent qu’il communiait, s’en montrait scandalisé et disait « qu’il fallait qu’il y eût quelque diablerie en lui. Mais le Roi, qui était présent, répondit que cela l’aurait autrefois scandalisé, mais que toutes les personnes qui communiaient deux ou trois fois par semaine, comme le duc de Beauvilliers, en usaient ainsi de l’avis de leurs confesseurs, et il cita l’exemple de Mme de Maintenon[1]. »

Le même jour où le Roi faisait connaître le choix qu’il avait fait du duc de Beauvilliers, il déclarait également les autres choix qui devaient compléter la maison du duc de Bourgogne. Le marquis de Denonville, qui revenait du Canada, était nommé sous-gouverneur; du Puy et L’Échelle, gentilshommes de la manche, l’abbé de Fénelon, précepteur, et Moreau, premier valet de chambre. Un peu plus tard, l’abbé Fleury fut nommé sous-précepteur, les abbés de Beaumont et de Langeron, lecteurs. Dans ces différens

  1. Vie du Dauphin, père de Louis XV, par l’abbé Proyart, t. Ier, p. 70.