Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Même dans ce cas, elle ne promet pas de rappeler tous ses vaisseaux ; elle reconnaît seulement avec bonne grâce que la présence de tous ceux qu’elle a présentement dans l’Archipel pourrait alors « n’être pas jugée nécessaire. » Mais sur terre, il n’en est pas de même. Si la Grèce croit les escadres des puissances capables d’arrêter les Turcs sur mer, elle n’a aucune confiance dans les marins, à la vérité peu nombreux, que l’Europe a débarqués en Crète. Elle les juge à ce point insuffisans qu’elle les passe tout à fait sous silence. Elle n’hésite pas à dire que le colonel Vassos et ses soldats sont les seuls défenseurs de l’ordre, de la paix et de la civilisation. Le jour où ils viendraient à se retirer, l’île tout entière serait en proie aux horreurs de la barbarie. En conséquence, le gouvernement hellénique demande à l’Europe, dans un intérêt évidemment supérieur et désintéressé, de vouloir bien conférer à ses troupes, « qui sont dignes de toute confiance », le mandat de pacifier l’île. Il affirme que les désirs et les intentions des puissances recevraient promptement la plus parfaite satisfaction, et qu’on pourrait tout de suite après interroger le peuple crétois, pour qu’il exprimât en toute liberté ses vœux d’avenir et qu’il décidât de ses destinées. Le gouvernement grec semble avoir ignoré ou oublié deux choses : la première, nous l’avons dit, est qu’il y a en Crète des troupes européennes, et que si elles ne sont pas assez nombreuses il est facile de les renforcer ; la seconde est que l’Europe a déjà exprimé des intentions particulières sur l’avenir immédiat de la grande île, et sur le sort qu’il convient de lui assurer. Elle a décidé que, dans les circonstances actuelles, elle n’autoriserait pas sa réunion à la Grèce. Elle a décidé en outre qu’elle ne permettrait pas au sultan, dont la souveraineté serait respectée en principe, d’exercer plus longtemps sur elle une autorité directe. La Crète jouira d’un gouvernement autonome, comme celui du Liban ou de Samos. Cette solution, le gouvernement hellénique la repousse. Elle est, à ses yeux, tout à fait impropre à ramener la paix. « L’anarchie, assure-t-il, continuera à ravager le pays. Le fer et le feu, dans la main d’un fanatisme aveugle, continueront leur œuvre de destruction, etc. » Tous les maux que le colonel Vassos tient en respect par sa seule présence se déchaîneront avec une rage plus grande et se répandront dans tout le territoire. C’est ainsi du moins qu’on en juge à Athènes. En Europe, on a sur tous ces faits une opinion différente. On y croit généralement que, bien loin d’être un élément de pacification, le petit corps expéditionnaire du colonel Vassos encourage et entretient seul l’insurrection. Toutes les bandes insurgées qui ont accompli depuis quelques jours des actes