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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars.

Malgré l’intérêt que présentent en ce moment plusieurs autres questions extérieures, tous les regards restent fixés sur les affaires d’Orient. L’attitude prise par la Grèce à l’égard de la Crète et celle que l’Europe a prise à l’égard de la Grèce elle-même absorbent toute l’attention. Quoi de plus naturel ? Les ministres de tous les gouvernemens qui ont à compter avec l’opinion et à s’expliquer avec elle, n’ont pas hésité à dire que la moindre faute commise entraînerait des conséquences qu’il serait impossible, par la suite, de retenir ou de limiter. Lorsque le même langage est tenu par lord Salisbury ou M. Balfour à Londres, par M. Hanotaux à Paris, par M. le baron Marschall à Berlin, il serait, à coup sûr, imprudent de fermer l’oreille à des avertissemens qui nous viennent de côtés aussi divers. Sans doute, lord Salisbury, M. Balfour ou M. Curzon, M. Hanotaux, M. le baron Marschall peuvent se tromper. Pourtant, il est difficile de croire qu’ils se trompent tous à la fois et dans le même sens, qu’ils sont mal renseignés et que nous le sommes mieux qu’eux, nous qui subissons si souvent de simples impressions, et qui manquons peut-être d’informations authentiques. Pour notre compte personnel, nous ne sommes pas suspect d’avoir une confiance crédule et naïve dans la solidité du concert des puissances. Sous ce concert apparent, nous avons toujours distingué certaines diversités d’intérêts qui, un peu plus tôt ou un peu plus tard, pourraient amener, si on n’y veillait avec soin, des divergences dans l’attitude de tels ou tels cabinets. Nous n’en sommes que plus frappés de l’entente qui s’est produite entre eux depuis quelques semaines, et qui s’est encore resserrée après l’intervention de la Grèce en Crète. Il y a là un fait rassurant. Les puissances, émues par les responsabilités qui pourraient retomber sur elles, sont d’accord pour faire prévaloir l’intérêt général sur leurs intérêts particuliers. L’intérêt général est celui de la paix ; les intérêts particuliers sont extrêmement variés. Les puissances estiment qu’elles