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jusqu’à ses intentions les plus particulières, jusqu’à ses arrière-pensées thématiques ou instrumentales, dont il ne nous ait avertis. Apprenez donc que tel motif — celui de l’été — « se pose dans la lourdeur étouffante des trombones graves, unis au cor anglais, à la clarinette basse et au contre-basson. » Plus loin, c’est le travail qui « chante en la claire sonorité des cordes. Dans le chant austère des violoncelles, dans la fraîcheur des flûtes s’élève la mélodie de l’hospitalité, à laquelle les cors opposent un sauvage arpège ascendant qui est comme le geste de menace du cousin Mathias. » Et il y a encore un motif — s’il n’y en avait qu’un ! — qui crie la misère, et un autre où « dans le reflet de métal des trombones » resplendit l’enfant Jésus. De cette musique ainsi tout est expliqué, démonté, classé. Chaque thème a son étiquette et chaque instrument sa spécialité. Si nous ne comprenons pas les partitions d’aujourd’hui, ce n’est pas faute de commentaire, d’exégèse, de catalogue, de guide et d’indicateur. Mais le malheur, en de telles occurrences, n’est point de ne pas comprendre : c’est de n’admirer point. On voit très bien, et à soi tout seul, ce qu’a voulu faire M. Bruneau, et que cela est considérable. On voit encore mieux ce qu’il a pu faire, et que cela est très peu ou que ce n’est rien.

De grâce, laissons de côté pour aujourd’hui l’éternelle question, odieuse à la longue et qui n’est pas la question unique, des rapports de la musique avec le livret ou la parole. Écartons toute idée de relation ou de conflit. Ne considérons que la seule musique, la musique en soi. Elle a peut-être son importance intrinsèque, sa valeur spécifique, ses droits enfin dans l’association ou le contrat. En cette union, souvent orageuse, qu’est le drame lyrique, Wagner avait coutume de comparer la poésie au principe mâle et la musique au principe femelle. Soit. Femelle, ou femme — j’aime mieux femme — c’est la musique aujourd’hui qui, sous « la loi de l’homme », est en train de mourir. Et « Je ne suis pas de ceux qui disent : Ce n’est rien… Je dis que c’est beaucoup. » Je dis qu’à force de prétendre ainsi incorporer la musique au drame, au mot surtout, on finit par l’y asservir et l’y sacrifier. Je dis que dans nos drames soi-disant lyriques le lyrisme chaque jour s’appauvrit, et qu’aux cinq actes d’un opéra comme Messidor, beaucoup plus encore que la poésie, ce qui manque, c’est la musique.

Les idées, les thèmes, enfin les éternels leitmotive, ne furent jamais plus minces, jamais plus dépourvus de caractère et de plasticité. Dans l’Attaque du moulin, quelques thèmes ne manquaient ni d’intérêt ni d’expression : celui de la terre de France, dont était fait tout un prélude ; un thème encore de Marceline, cette autre sibylle un peu bien