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la foi nouvelle. Au dénouement, quand elle chante la vie et sa fécondité, elle indique elle-même où va la croyance. » Guillaume est le travail. Si la nuit, au clair de lune, il jette une poignée de grains à la terre encore maudite, vous pensez bien que ce n’est pas seulement son champ qu’il ensemence. Non, non, le geste est plus auguste : il sème l’avenir. Il n’est pas jusqu’aux amoureux, qui ne s’embrassent et ne se marient pour se faire les collaborateurs des causes obscures et de la vie universelle. Ainsi tout grandit et s’étend. Ainsi les moindres personnages de M. Zola ne perdent pas une occasion de procéder du particulier au général, ce qui est la méthode par excellence, celle qu’enseignait jadis aux onze petits Crépin M. Fadet, leur instituteur.

Jusque dans le ballet de la Légende de l’Or triomphent le symbole et la généralisation. On voit ici l’Ambition et l’Amour se disputer la possession de l’Or. Représentées par deux danseuses-chefs et deux peuples de danseuses, l’une et l’autre passions en viennent aux mains, si j’ose m’exprimer ainsi. Bientôt, blessées et mourantes, toutes les deux tombent aux pieds de l’Or, impassible témoin du combat. Mais voici que l’Or s’anime. Il s’approche tour à tour de l’Ambition et de l’Amour, il les relève et les console. Il leur rappelle que ni à l’une ni à l’autre il ne demeure toujours étranger, et cela signifie sans doute qu’il y a les pots-de-vin et qu’il y a les mariages riches. L’Or enseigne aussi qu’il est l’Or de Bonté et l’Or de Beauté, le métal esthétique et le métal bienfaisant. En lui se réconcilient enfin les deux rivales et le galop suprême aboutit à l’apothéose de l’Or. Messidor commence d’emblée par cette sauterie allégorique. Ainsi le prologue est la glorification de cet Or dont le reste de l’opéra sera la condamnation. Ainsi rien ne se tient et ne se suit. Ainsi, bien qu’il soit d’or, le collier de Véronique est tutélaire et sacré. L’or est à la fois bienfaisant et fatal, bon en collier et mauvais en pépites. Ainsi le propre de ce livret n’est pas seulement le symbolisme, mais dans le symbolisme même, l’incohérence et la contradiction.

Entre ce livret et la musique — je ne dis pas encore cette musique — il existe plus que des contradictions : il y a des incompatibilités. La musique, qu’on ne parle aujourd’hui que d’émanciper et d’ennoblir, on l’a contrainte, abaissée ici à d’assez viles besognes. Éternelle compagne de la poésie, on l’a faite esclave d’une prose sans rythme, sans assonances même, sans période, sans cadence et sans harmonie ; d’une prose enfin dépouillée de tout ce que le langage humain peut impliquer et offrir de musical et de chantant. Oyez, je vous prie, ce couplet :