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des greffes ; les procédés à l’aide desquels on réussit ces opérations ne sont pas divulgués, mais on assure que leur emploi permet d’obtenir des sujets de choix, un poids de graines très supérieur à celui qu’on récolte par la méthode ordinaire. Dans un champ bien travaillé, fumé copieusement, on a semé, en lignes espacées de 35 à 40 centimètres, de bonnes graines ; on a démarié régulièrement, ne laissant qu’une racine tous les 25 ou tous les 30 centimètres, de façon à en garder environ 10 au mètre carré. Est-on sûr d’obtenir une bonne récolte ? Hélas ! non. Je ne sais si beaucoup de planteurs de betteraves connaissent le mélancolique proverbe : « Entre la coupe et les lèvres il y a place pour un malheur. » S’ils le connaissent ils peuvent le modifier, pour en faire l’application à leur métier. « Entre le semis et l’arrachage, il y a place pour un échec. »

C’est tout d’abord la légion des insectes qui entre en guerre ; les vers blancs issus des hannetons dévorent les jeunes racines immédiatement après la levée, les taupins qui pullulent dans les prairies défrichées, les nématodes, les anguillules exercent leurs ravages. Puis les intempéries : la gelée du printemps qui force à recommencer les semailles ; la sécheresse qui, en mai, empêche la levée, en juillet aplatit sur le sol crevassé les feuilles mal abreuvées ; les pluies prolongées d’automne qui abaissent la qualité. On sait quelle énorme quantité d’eau a déversé sur le nord de la France l’automne de 1896 ; les pluies continuelles ont exercé une influence déplorable sur la teneur en sucre des betteraves ; en beaucoup d’endroits les jus, au lieu de marquer 8° comme l’an dernier, n’en accusaient guère que 6, de telle sorte que la tonne de betteraves est tombée à des prix ruineux : de 15 à 18 francs.

Si, depuis le vote de la loi de 1884, il y a eu de mauvaises années ; d’autres au contraire ont été très favorables. Au début, quand on abandonnait aux excédens la totalité de l’impôt, les fabricans ont réalisé de beaux bénéfices. Pour en avoir leur part, de nouvelles usines se sont montées, et bien que peu à peu le Trésor ait diminué ses faveurs, qu’il ait restreint à la moitié de l’impôt de consommation la part attribuée à ces excédens, qu’il ait même limité ces excédons, l’élan était donné. En 1890-91, nous dépassions 600 000 tonnes de sucre, et nous atteignions presque 800 000 en 1894-95.

Nous discuterons un peu plus loin la situation très difficile