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densités élevées, la quantité de sucre croît plus vite que les indications de l’aréomètre ; quand il marque dans un liquide sucré 8°, ce liquide renferme non pas 10 centièmes de sucre mais plus de 17.

Cette rapide détermination sert de base aux transactions ; on convient, par exemple, que la tonne de betteraves dont le jus marquera 7° sera payée 25 francs, et en outre que le prix augmentera de 0 fr. 75 par dixième de degré ; de telle sorte que si le jus des betteraves d’une livraison marque 8°, la tonne sera payée 25 francs plus 7 fr. 50 ou 32 fr. 50 ; la convention porte également que le prix baissera de 0 fr. 75 par dixième de degré au-dessous de 7°, c’est-à-dire qu’une tonne de racines ne sera payée que 18 fr. 50, si le jus qui en provient ne marque que 6°.

Les cultivateurs, intéressés à conduire à la sucrerie des betteraves riches en sucre, les obtinrent dès la première année. Ils s’étaient refusés à les produire jusqu’alors, parce qu’ils n’y avaient aucun avantage. Avec des fumures moyennes, ces betteraves riches ne fournissent en effet que des rendement médiocres : 25 tonnes à l’hectare. Cependant, quand on enfouit dans le sol 10 tonnes de fumier et des superphosphates à l’automne, puis qu’on ajoute du nitrate de soude au printemps, on atteint des récoltes de 40 000 kilos ; on les dépasse même dans les plaines fertiles du Nord et du Pas-de-Calais.

La condition essentielle pour obtenir des racines riches en sucre, celle qui domine toutes les autres, nous l’avons dit déjà, c’est le choix judicieux de la graine. Or, cette graine productrice de betteraves chargées de sucre, on la possède depuis longtemps ; elle a été obtenue, par Louis Vilmorin, dès 1840. Il a d’abord fait choix, dans un lot de betteraves de Silésie, de racines bien conformées, coniques, allongées, d’une seule venue, sans prolongemens fourchus ; puis, à l’aide d’une sonde, il a extrait de ces racines, ce qu’on peut faire sans nuire à leur vitalité, de petits cylindres charnus pour les soumettre à l’analyse. On rejette toutes les racines peu chargées de sucre, on conserve au contraire les plus riches, pour les planter au printemps ; elles se couvrent de rameaux, fleurissent en juin, et en août on récolte des graines. Celles-ci sont semées au printemps suivant ; on ne conserve encore comme porte-graines que les betteraves qui présentent une forme parfaite et une haute teneur en sucre. On conçoit que, par cette méthode, appliquée pendant une longue suite d’années, on ait réussi à obtenir une race remarquable par ses qualités