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ne pouvait extraire que 60 kilos de sucre en raffiné et, comme ce sucre doit payer 60 francs par 100 kilos, le fabricant devait verser 36 francs par tonne de betteraves pénétrant à l’usine. S’il ne tirait de la tonne que 60 kilos de sucre, la loi nouvelle n’avait pour lui aucun avantage ; s’il n’en extrayait que 40 kilos, sa perte était considérable ; mais, si, traitant habilement de bonnes racines, il en tirait 80, 90 ou 100 kilos de sucre, il réalisait de gros bénéfices. En effet, le sucre obtenu en excès sur les 60 kilos imposés n’était plus vendu 40 ou 45 francs (prix auquel les sucreries vendaient le quintal à cette époque), mais bien 100 ou 105 francs ; car les 60 francs d’impôt sur les excédens étaient perçus par le fabricant lui-même. En lui accordant la totalité de l’impôt sur les excédens, la loi l’encourageait à perfectionner son outillage, de façon à extraire des racines une très forte fraction du sucre qu’elles renferment ; elle le contraignait en outre à ne traiter que des betteraves riches en sucre.

Il fallut intéresser les cultivateurs à les produire, abandonner enfin l’achat à prix fixe, source de toutes les difficultés, pour en arriver à la seule base rationnelle des marchés : à l’acquisition à prix variable avec la richesse. Ainsi qu’il a été dit déjà, la détermination de cette richesse est très facile, elle s’appuie sur la densité du jus extrait des racines.

On y emploie un aréomètre à poids constant. Toutes les personnes qui ont suivi un cours de physique élémentaire connaissent ce petit instrument, en usage dans toutes les transactions sur les liquides dont la valeur varie avec la densité. Un tube de verre, lesté à sa partie inférieure par du mercure ou du plomb, porte à son extrémité supérieure une tige graduée en parties d’égales longueurs ; on procède par tâtonnemens dans le lestage de l’appareil de façon qu’il plonge, presque complètement, dans l’eau distillée, et l’on marque zéro à ce point d’affleurement, et 10°, à la base de la tige, au point où elle affleure dans un liquide rendu plus dense par l’adjonction de sel ou d’acide sulfurique et dans lequel l’appareil type, gradué d’après les indications de Gay-Lussac, marque également 10 degrés.

Les appareils les plus employés sont ainsi gradués par comparaison. L’expérience a montré que la densité du jus provenant du râpage des betteraves augmente de 1° environ pour 2 centièmes de sucre contenu dans le jus ; c’est-à-dire que si l’aréomètre marque 5°, le jus renfermera 10 centièmes de sucre. Quand on atteint les