perçu sur le sucre achevé et qu’aucune partie des grosses sommes encaissées par le Trésor n’était attribuée aux producteurs de la matière imposée, chez nos rivaux le fisc permettait aux fabricans d’en garder une partie et, grâce à ces subventions déguisées, leur industrie avait fait de rapides progrès.
On comprend très bien les hésitations des pouvoirs publics français devant la situation que créait la production excessive de l’Allemagne. Fallait-il laisser périr une industrie qui était née et qui s’était développée en France (sa mort aurait rapidement suivi la non-intervention de l’Etat) ? Fallait-il, au contraire, soutenir la sucrerie française en lui abandonnant, comme on l’avait fait en Allemagne, une partie de l’impôt ? Ne risquait-on pas, en agissant ainsi, de surexciter la production et de voir le marché s’effondrer sous le poids des quantités fabriquées, non plus seulement pour subvenir aux besoins de la consommation, mais pour encaisser la part d’impôt qu’on abandonnait aux fabricans ?
Ce fut le dernier avis qui prévalut. La loi de 1884 fut votée.
Cette loi reportait l’impôt du sucre achevé à la betterave mise en œuvre. Elle prévoyait que quelques fabriques, encore mal outillées, ne se risqueraient pas à accepter cette nouvelle disposition. Elle leur accordait un déchet de fabrication de 8 p. 100. En d’autres termes, quand ces usines mettaient en vente 100 kilos de sucre, on ne percevait l’impôt que sur 92 kilos, on l’abandonnait au fabricant sur les 8 autres[1]. Pour les usines qui en firent la demande, l’impôt porta sur la betterave ; il fut calculé d’après le poids de sucre qu’on supposait pouvoir extraire de chaque tonne de racines mise en œuvre.
Or, au moment de la discussion, on exagéra systématiquement toutes les difficultés : la production de la betterave riche, disait-on, était impossible en France ; notre climat ne permettait pas de l’obtenir ; on ne pouvait vaincre la routine des paysans habitués à cultiver des betteraves de mauvaise qualité. Ebranlés par ces clameurs intéressées, les membres du parlement votèrent des dispositions extrêmement favorables à la fabrication.
On supposa que d’une tonne de betteraves mise en œuvre, on
- ↑ Cette convention a été modifiée plus tard. On a accordé un déchet de fabrication de la pour 100, mais en frappant ce déchet du droit de 30 francs par 100 kilos.