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de quatre ans, proposé tout à l’heure parce que c’est le délai minimum qu’exigent l’établissement des plans et la construction d’une grande unité de combat.

Faut-il faire observer que cette charge fort lourde, certes, de 200 à 280 millions serait sensiblement allégée si nous consacrions chaque année des sommes moins importantes à la réfection d’unités démodées, qu’il vaudrait mieux laisser, telles quelles, à leur rôle naturel de bâtimens de réserve ou de garde-côtes, et aux innombrables travaux de modification que l’on fait subir, le plus souvent sans nécessité absolue, aux unités en achèvement ou aux navires déjà mis en service ? Mais ceci nous entraînerait trop loin, et d’ailleurs nous ne pouvons nous dispenser de signaler la normale et très légitime augmentation qui doit résulter logiquement pour certains chapitres du budget ordinaire de l’accroissement extraordinaire de la flotte de combat. Il est clair, par exemple, qu’il faudra entretenir un plus grand nombre d’hommes, grossir les stocks d’approvisionnemens de guerre, agrandir certains magasins, aménager à nouveau rades, ports, bassins, etc., etc.

En définitive, ne pensons pas dépenser moins de 250 millions — à peu près — en travaux soldés par un budget spécial, et estimons-nous heureux si, toutes balances faites entre les inévitables majorations et les réductions réalisables du budget ordinaire, ce dernier ne dépasse guère, à l’avenir, les 240 millions accordés pour l’année 1897 aux « services Marine ».

Examiner ici avec quelles ressources il conviendrait de faire face à cette dépense de 250 millions (partagée, qu’on ne l’oublie pas, en quatre ou cinq annuités), ce serait excéder de beaucoup notre compétence. Nous nous bornerons à dire, et cela sans méconnaître de trop réelles difficultés financières, que la France n’en est pas encore, sans doute, à refuser le nécessaire à sa marine, au moment même où elle reconstitue son empire colonial démembré au siècle dernier, au moment où, sur le continent européen, des agglomérations compactes opposent à son expansion des barrières de plus en plus solides, où d’ailleurs l’axe de la politique générale se déplace vers l’Orient et où, d’un élan unanime les nations se tournent du côté de la mer pour lui demander le secret de la richesse, de la prospérité, de la puissance militaire !