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sans préjudice de l’intervention des batteries de côte — d’amener « sur le terrain » des élémens robustes, solides, capables d’appuyer, de recueillir l’escadrille, de protéger sa retraite à coups de canon, à coups d’éperon, au besoin. Et voilà le garde-côtes en jeu.

Le garde-côtes !… Certes, ce n’est pas cet engin de défense par excellence qui pouvait manquer à la flotte, fâcheusement défensive dans son ensemble, dont les événemens, les circonstances et les hommes ont doté la marine française. Dans rassortiment trop varié de nos bâtimens de guerre, ce type est représenté avec une telle abondance, qu’il y aurait encore lieu de s’en étonner, malgré tout, si on ne se rappelait que, jusqu’au moment où fut fixé, avec l’assentiment des Chambres, un programme de constructions neuves bientôt oublié, du reste, tout ministre embarrassé sur le choix de ses mises en chantier, se rabattait incontinent sur un garde-côtes.

Et c’est ainsi que nous en avons 22 (canonnières cuirassées comprises), déplaçant 100 000 tonneaux, alors que l’Allemagne, longtemps et assez justement préoccupée de se défendre sur mer, n’en a pourtant que 17, dont 11 vieilles canonnières qu’elle laisse disparaître sans penser à les remplacer ; alors que l’Angleterre n’en a que 2, et l’Italie point du tout ! — Mais le pis est que 9 des nôtres sont relativement récens et que les 4 derniers, des types Valmy et Tréhouart, viennent à peine d’entrer en service. Sans doute on a profité de la bonne tenue à la mer de ces bâtimens, de leur vitesse relative, pour les ranger après coup dans la catégorie des cuirassés d’escadre, mais il suffit de constater que leur approvisionnement de charbon ne leur assure que 1 700 milles à 10 nœuds, pour prouver leur inaptitude aux opérations offensives qui sont le propre, ou plutôt qui le devraient être, des escadres actives.

Et pourtant, dira-t-on, si le garde-côtes, en tant que garde-côtes, a sa place marquée parmi les élémens nécessaires d’une défense mobile de base d’opérations, n’est-il pas logique d’en construire quelques-uns ?… Peut-être, en effet, à ne consulter que la logique pure ; mais nous avons autre chose à faire d’abord, nous avons à consulter nos moyens financiers. Quand on n’a que des ressources restreintes, consacrer 130 millions en 13 ans à 9 bâtimens étroitement spécialisés, c’est s’exposer au reproche de mal employer les deniers publics, et ce reproche apparaît