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pourra, c’est-à-dire l’année prochaine : on conviendra que cela ne vaut pas mieux, et que c’est pire encore. A supposer que le gouvernement anglais ait quelques amendemens à proposer à l’institution actuelle des tribunaux mixtes, sir Michaël Hicks-Beach a pris un singulier moyen pour en préparer et en faciliter l’adoption par les puissances. Sur le point spécial dont il s’agit, comment la Russie, comment la France pourraient-elles désormais consentir à la moindre modification? Si elles l’avaient pu avant le discours de sir Michaël, elles ne pourraient plus après : leur dignité y est intéressée. Le chancelier de l’Échiquier a rendu bien difficile la tâche future de la diplomatie. L’Angleterre, dépitée, dénoncera-t-elle la réforme judiciaire? Reprendra-t-elle pour ses consuls la juridiction de ses nationaux? Obligera-t-elle les autres puissances à faire de même? Laissera-t-elle retomber l’Egypte, après quinze ans d’occupation britannique, au rang des pays barbaresques? On nous permettra de ne pas discuter ces hypothèses ; elles ne sont pas sérieuses ; et si elles donnent la mesure de l’importance qu’il convient d’attacher aux autres menaces de sir Michaël Hicks-Beach, nous aurions vraiment tort de nous en émouvoir. Aussi personne ne s’en est-il ému en France. Une question a été posée par M. Deloncle à M. Hanotaux, et celui-ci y a répondu en termes aussi réservés et aussi convenables que ceux du ministre anglais l’avaient été peu. Ils n’en ont pas été moins nets. M. Hanotaux a rétabli doucement, sans affectation de raideur, mais avec beaucoup de précision et de fermeté, les principes qui avaient été si rudement malmenés, et surtout si complètement méconnus par sir Michaël Hicks-Beach. Il a dit tout ce qu’un ministre français devait dire en pareille occurrence, rien de plus, rien de moins, et nous sommes convaincus que si l’Europe établit une comparaison entre les deux discours, ce n’est pas à celui du ministre anglais qu’elle donnera la préférence.

Il est probable qu’en tout état de cause M. Hanotaux aurait parlé avec la même modération, mais peut-être, aujourd’hui, avait-il une raison de plus pour le faire. « Il n’y a assurément dans cette Chambre, a-t-il dit, personne qui ne se rende compte du prix que nous devons attacher, dans les circonstances que traverse l’Europe, à ce que rien ne vienne troubler la bonne entente et la bonne harmonie existant entre toutes les puissances. » C’est par là, en effet, que l’incident soulevé si mal à propos au Parlement anglais se rattachait à la situation générale. Il est permis de penser que le désir qu’elle éprouve de justifier le maintien de son occupation de l’Egypte jette quelques lumières sur l’attitude générale de l’Angleterre, et il est bien naturel qu’elle cherche de meilleures raisons