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quelles étaient les garanties que l’Égypte pouvait fournir pour le remboursement ultérieur de l’avance qui lui était faite, et incontestablement elle ne pouvait en fournir aucune. L’Égypte, a dit sir Michaël Hicks-Beach, a donné sa parole. Nous avouons ne pas savoir ce que cela signifie. L’Égypte ne peut donner sa parole que dans la mesure où elle est libre de s’engager, et cette mesure est strictement limitée. Aussi le chancelier de l’Échiquier a-t-il cru devoir ajouter une garantie plus substantielle à celle-là, et il a déclaré avec une certaine arrogance que la garantie véritable de la nouvelle dette venait de ce que l’Angleterre était en Égypte, qu’elle y resterait aussi longtemps qu’elle le jugerait à propos, que tout ce que la France avait fait jusqu’ici pour la contrarier dans cette occupation ne pouvait que l’engager à la prolonger, que l’affaire actuelle, notamment, n’aurait pas d’autre conséquence que celle-là, et qu’au surplus on en verrait bien d’autres, puisque l’Angleterre avait l’intention de continuer son expédition soudanaise, en prenant son temps et ses aises, et de la pousser jusqu’à Khartoum. On peut résumer le discours de sir Michaël Hicks-Beach dans cet aphorisme de notre fabuliste, que la raison du plus fort est toujours la meilleure : il est juste de dire que La Fontaine l’avait mis dans la bouche du loup parlant à l’agneau. Nous ne sommes pas un agneau, et nous persistons à croire que l’Angleterre n’est pas davantage un loup. Le gouvernement britannique a, heureusement pour lui, et heureusement pour le monde où il a fait faire à la civilisation de si grands progrès, d’autres principes de droit que ceux-là. Évidemment sir Michaël Hicks-Beach se sentait dans son tort, et, comme il arrive souvent en pareil cas, il a forcé la voix : mais il l’a trop forcée.

Il a attaqué les tribunaux mixtes, le tribunal du Caire, la cour d’Alexandrie, qui ont eu l’audace de donner raison aux commissaires de la dette russe et français, dans la revendication qu’ils ont portée devant les tribunaux, à l’appui de celle des bondholders. C’est là, paraît-il, un crime que la mort seule peut expier, et en conséquence sir Michaël Hicks-Beach a annoncé que l’année prochaine, au moment du renouvellement quinquennal de la Réforme judiciaire, les tribunaux mixtes seraient remis à leur place. En vérité, — et nous voudrions être tout à fait désintéressés dans la question pour qu’on ne pût nous soupçonner d’y apporter aucun parti pris, — un tel langage étonne dans la bouche d’un homme public. Lorsqu’on a accepté un juge, on a perdu le droit de protester contre sa sentence. Sir Michaël Hicks-Beach dira peut-être qu’il accepte le jugement, parce qu’il ne peut pas faire autrement, mais qu’en revanche il supprimera le juge dès qu’il le