Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/952

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février.

Depuis quinze jours, et surtout dans cette dernière semaine, la situation s’est singulièrement aggravée en Orient. L’horizon s’est tout à coup empourpré des lueurs sinistres de l’incendie ; on a appris que l’île de Crète était de nouveau livrée à la guerre civile ; la lutte à main armée avait recommencé entre chrétiens et musulmans, et il semble bien que la première agression soit venue des chrétiens. Au reste, cela importe peu, car il ne s’agit pas ici de faire un procès aux uns ou aux autres, mais seulement d’exposer une situation politique. Elle est fort grave ; jamais, depuis le commencement de la crise orientale, elle ne l’a été davantage. L’Europe, en recevant ces nouvelles inquiétantes, a éprouvé une pénible surprise ; non pas qu’elle se fit beaucoup d’illusions sur la solidité et sur la durée du calme apparent qui avait succédé à tant d’agitations meurtrières, mais parce que, dans l’opinion générale, le mal qui couvait sous la cendre ne devait éclater qu’au printemps. On espérait, avant cette échéance, avoir trouvé des moyens de le combattre, ou même de le prévenir, et c’est à quoi les ambassadeurs travaillaient à Constantinople avec une assiduité méritoire. On annonçait comme très prochaine la conclusion de leurs travaux, où les esprits optimistes voulaient voir les Cahiers des populations ottomanes, rédigés et dressés par l’Europe impartiale. Les esprits moins optimistes se demandaient, non sans inquiétude, comment ces projets de réforme, qui prendraient la forme d’un ultimatum, seraient accueillis par le sultan. Mais les uns et les autres se flattaient d’avoir encore quelques semaines avant d’arriver à l’heure critique et décisive. Ce qu’on n’avait pas prévu, c’est que, pendant qu’on songeait au reste de l’Empire et aux remèdes à y introduire, le mal ferait une nouvelle explosion en Crète même, c’est-à-dire dans la partie qu’on se flattait d’avoir le plus habilement soignée et le plus heureusement guérie. On croyait la Crète hors d’affaire ; on le répétait avec complaisance ; on aimait à dire qu’il suffirait d’appliquer partout les procédés