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garderez les mauvais dessins pour les brûler de votre main blanche devant moi, c’est convenu.

Oui, je vous écouterai chanter, et je serai seul à vous entendre, et j’aurai l’orgueil de croire que je vaux bien pour vous un salon. Mais si vous faites vos conditions, amie prudente, je fais les miennes aussi. Chantez et causez tour à tour, que votre chant et voire esprit alternent, oui ; chantez la musique adorable dont nous parlions ; mais ne l’interrompez pas comme ces beaux oiseaux qui commencent un air délicieux et n’osent pas l’achever. — Au reste, ce sont là des questions d’avenir et de présence réelle, et jusque-là l’insuffisance des lettres vous satisfait-elle ? Pour moi je les voudrais plus sincères qu’elles ne sont, telles par exemple que serait la conversation continuée et écrite, telle qu’elle fut durant mes dernières heures à Tours.

Oui, bien vrai, je suis parti ! comme vous dites ; j’ai tous les courages puisque j’ai eu celui-là. Croyez-vous qu’il m’eût été possible si j’avais été seul ?

Vous ne m’avez pas répondu sur les choses qui me tenaient au cœur, comme par exemple : si vous suivez mes ordonnances et si vous avez consulté un autre que moi, celui que vous deviez voir à Tours. Et au lieu de me rassurer sur vous-même, vous m’excommuniez encore pour ce péché véniel de Quitte pour la peur.

Eh ! mon Dieu ! je ne prétends pas défendre cette bagatelle, mais je ne désespère pas de vous prouver que le fond en est plus grave que vous ne pensez. Il est bon de corriger des Othello sans amour, comme il s’en est trouvé souvent en France ; et de montrer une vengeance de bon goût, qui est en même temps une noble et généreuse protection, un pardon, et une réparation. Du reste, chère méchante Alexandrine, la bulle d’excommunication que vous lancez (et que j’ai provoquée pour parler de riens, de futilités, et pour dire autre chose que ce que j’avais à dire), cette bulle sévère m’est précieuse, ainsi que tout ce qui vient de votre belle main, quelque cruel que ce soit, mais je la garde en me réservant d’en appeler à notre premier concile. — Jusque-là, que votre gracieuse Majesté


Ne se mette pas en colère,
Mais plutôt qu’elle considère


qu’il est bien rare d’avoir à son côté un ange gardien qui détourne les mauvaises pensées avec énergie, et que ce qui arrive souvent