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autant, à sa richesse, à la générosité de ses aumônes, à l’abondance des ressources qu’elle offre au Pape, à l’Eglise, aux missions, aux œuvres catholiques. Qu’on prenne le denier de Saint-Pierre qui affranchit la papauté, devenue mendiante, de l’officielle servitude des dotations royales, ou la Propagation de la Foi qui alimente les missions lointaines, des noirs anthropophages de l’Oubanghi aux peuples décrépits de la Chine, c’est toujours de France que vient l’argent, de la terre de France que l’Église et le Saint-Siège tirent le gros de leurs ressources: Cette vocation de fille aînée de l’Eglise qu’elle a, noblement, remplie par les armes, aux siècles où tout’ se décidait par la lance et l’écu du chevalier, la France, issue de la Révolution, s’en acquitte, bourgeoisement, en notre âge prosaïque, par ses dons et par son or. En ce sens, le Gesta Dei per Francos reste encore vrai. Devant les frères quêteurs d’Orient ou d’Occident, pas de rivale, pour la France, parmi les nations restées fidèles à Rome. Sans elle, la vieille Eglise serait impuissante à soutenir la lutte contre l’impiété ou contre l’hérésie. La France seule (quoique bien modestement) tient tête aux millions de dollars et aux millions de guinées de la propagande protestante.

Il y aurait tout un chapitre à écrire sur le rôle de l’argent dans l’Eglise et dans la religion. Ce n’est pas que l’argent comme tel, que Mammon le Syrien, répudié par l’Evangile, règne encore dans le sanctuaire, ou que les marchands chassés des portiques du temple de Jérusalem aient rétabli leurs comptoirs sous les arcades des basiliques romaines. Grâce à Dieu, il est déjà loin le temps où l’or exerçait sa tyrannie sacrilège, jusque sur le cloître des vierges et sur le chœur des moines voués à la pauvreté. Le vieux mot de simonie, qui a si longtemps attiré l’indignation des saints et les anathèmes des conciles, n’a plus de sens dans l’Église, disons mieux, dans les Églises d’Occident. Catholiques et protestans sont également guéris de cette antique lèpre ; pour en retrouver des traces, il faut passer dans le vieil Orient, chez les Eglises abaissées par le joug de l’Islam. Encore un domaine où le pouvoir de l’argent est en baisse; ou mieux, dans l’Église, sa puissance a été brisée à jamais. Mais s’il n’y règne plus en maître, il y est encore un serviteur utile. Pour les combats de l’Évangile dans sa lutte contre le matérialisme, contre l’immoralité ou contre la misère, l’argent est aussi le nerf de la guerre. Et si, aux mains de l’impie ou du libertin, il est un agent de corruption, l’argent,