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range, ne voulant pas me séparer de vous. » Il fut décidé qu’on ne mobiliserait pas, et qu’on continuerait à négocier aux conditions proposées naguère par l’Autriche (3 novembre 1850). Radowitz désavoué, vaincu, désolé, donne sa démission. Brandebourg, atteint par une fièvre subite, trouve à peine la force de signer la dépêche annonçant à Vienne la résolution du cabinet ; il meurt dans le délire, foudroyé par le désespoir patriotique.

Son successeur Manteuffel, troublé par l’explosion de la fureur publique, essaya de donner quelque couleur de dignité à la reculade. Il signa l’ordre de mobilisation (5 novembre au soir). Les deux ministres belliqueux qui avaient suivi Radowitz, Ladenberg et de Heydt, retirent leur démission. Une joie universelle se manifeste dans la presse, dans l’armée, dans l’opinion ; les hommes de la landwher rejoignent avec enthousiasme ; le général prussien reçoit l’ordre de ne plus s’inspirer que des considérations militaires et de repousser les Bavarois s’ils s’avancent. A son tour, Schwarzenberg redouble de hauteur. Il somme la Prusse de se retirer et fait expédier l’ordre au général bavarois de marcher sur Cassel (27 novembre). En Bohême trois corps autrichiens se massent ; 30 000 Saxons se disposent à rejoindre les 80 000 Bavarois déjà en campagne ; le tsar mobilise les grenadiers de sa garde ; les vedettes des deux camps échangent quelques coups de fusil. Si la guerre s’engage, en quelques jours Berlin sera à discrétion, et, pour longtemps, si ce n’est pour toujours, selon le désir de Beust, l’épisode de Frédéric va être effacé de l’histoire d’Allemagne ; et la Prusse réduite à n’être qu’un État moyen de plus.

Le roi et Manteuffel s’épouvantent de cette perspective imminente, certaine, et revenant sur leur velléité guerrière, transmettent dans la Hesse aux troupes prussiennes, l’ordre de ne plus avancer. Manteuffel court à Olmütz où l’attend Schwarzenberg, et il capitule : capitulation entière et sans merci, égale à celle du Piémont après Novare. On lui concède l’occupation des routes d’étapes qu’on n’avait jamais contestée et le maintien d’un bataillon à Cassel ; surtout le reste, il se soumet. La Prusse renonce à l’Union restreinte, promet de désarmer avant l’ouverture des conférences, à Dresde, sur l’organisation fédérale ; elle ne s’opposera plus à l’exécution fédérale ni dans la Hesse, ni dans le Holstein, et ses routes d’étapes pourront être traversées par les Bavarois.