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chargea un de ses envoyés de quelques remontrances. Quand le Napolitain parla des dangers qui menaçaient son trône constitutionnel : « Quels sont donc ces dangers, signor cavaliere ? » fit le roi. Le Napolitain déconcerté parla des journaux, des conspirations. « Je n’ai rien à craindre, parce que derrière mon trône ne siègent ni la trahison ni le parjure, dites-le à votre roi, mon bon ami. »

Pie IX n’était pas moins mécontent que les autres princes. Il s’était enfin décidé à rentrer à Rome 12 avril 1850. Son secrétaire d’État, Antonelli, s’appliquait à réaliser les promesses du motu proprio. Il forma un ministère, dont trois membres sur cinq étaient laïques (18 septembre 1850) ; un conseil d’État, en majorité également laïque et dont faisaient partie deux ecclésiastiques seulement (10 septembre 1850) : une consulte des finances entièrement choisie par le Pape parmi les candidats désignés par les conseils provinciaux 28 octobre 1850) ; des conseils provinciaux choisis parmi les candidats présentés par les conseils municipaux 23 novembre 1850) ; des conseils municipaux directement élus par les plus imposés de chaque commune 24 novembre 1850). Les sociétés modernes placent, en matière d’impôt, deux règles au-dessus de toute discussion : Les charges publiques doivent peser également sur tous, et être consenties par des représentans élus. Le Pape n’avait pas à établir la première, car dès 1537, Paul III avait décrété que l’impôt serait supporté indistinctement par tous les sujets de l’Église romaine « sans exception de marquis et de barons, pas plus que de vassaux et fonctionnaires ». Pie IX, sachant que qui tient les cordons de la bourse dispose tôt ou tard de l’État, refusa d’admettre le second principe, dans la crainte de ressusciter le Statuto, dont le seul souvenir était un cauchemar.

Malgré la sincérité avec laquelle les nouvelles institutions furent établies, elles ne tardèrent pas en fait à devenir purement nominales ; aucun libéral ne voulant, par crainte du poignard mazzinien, se prêter au fonctionnement de ce mécanisme, le gouvernement théocratique se rétablit par la force des choses. Les ministres ne furent que des commis aux ordres du sous-secrétaire d’État, et les consulteurs d’État des conseillers complaisans. De sorte que Pie IX put affirmer en parfaite bonne foi qu’il avait tenu ses promesses tout en gouvernant selon les erremens de Pie VII et de Grégoire XVI. Cependant les tracasseries policières