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combinés, conduiraient à l’entière satisfaction de leurs vues communes ? Si les puissances s’entendaient pour décider que deux d’entre elles seraient invitées à occuper deux points éloignés de la Turquie, choisis l’un en Asie, l’autre en Europe, si elles se mettaient d’accord sur cette base, que serait-il permis d’espérer de ce concert et que pourrait-on en redouter ? Si on prend soin de donner et de maintenir, à la présence des troupes intervenantes, le caractère d’une assistance offerte à la Porte, on obtiendrait un résultat immédiat et précieux qu’on ne peut attendre de notes écrites ou verbales, collectives ou séparées. Que manque-t-il au sultan pour déférer aux vœux des cabinets, pour remplir ses louables intentions si elles sont sincères ? Il lui manque l’entière liberté d’action qui lui est nécessaire et le moyen d’imposer sa volonté. Ces deux facultés lui seraient aussitôt restituées et il pourrait hardiment rentrer dans la bonne voie. Ce qui l’en empêche, ce qui paralyse ses meilleures dispositions, n’est-ce pas en effet l’esprit de révolte, les résistances qu’il rencontre sur tous les points de l’empire, et plus particulièrement l’indiscipline et la rébellion de ses propres agens ? Or la force a conservé, en Orient, tout son prestige ; et son apparition suffirait à contenir tous les mécontens, à maîtriser les réfractaires et les insubordonnés ; les plus turbulens désarmeraient incontinent. Le sultan et ses conseillers pourraient, dès lors, sans soulever aucun trouble, sans rencontrer aucun obstacle, procéder paisiblement à toutes les mesures salutaires si impérieusement commandées par l’état du pays. Ne serait-on pas, dès ce moment, en bon chemin pour atteindre le but qu’on poursuit ?

Assurément, les conditions de cette double occupation devraient être exactement définies par un arrangement élaboré de façon à prévoir toutes les éventualités et conçu dans un esprit de désintéressement absolu. Ces stipulations, si elles étaient fidèlement observées, seraient d’une exécution d’autant plus aisée qu’elles constitueraient un gage de sécurité pour le sultan, tout en mettant ce souverain dans l’obligation, désormais inéluctable, de conformer ses actes aux engagemens qu’il aurait contractés envers les puissances.

Mais, nous dira-t-on, un pareil accord ne peut intervenir utilement et être durable sans une confiance réciproque, sans la bonne foi qui doit être la règle invariable de la conduite des contractans. Or comment admettre que la confiance et la bonne foi présideront à cet arrangement depuis que le respect des traités a été