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l’antisémitisme qui a mis la main et sur la municipalité de Vienne et sur la diète de la Basse-Autriche et qui se promet de pénétrer en vainqueur au Reichsrath aux prochaines élections générales, il se voit menacé de l’autre par le socialisme qui s’organise avec une rare persévérance dans le peuple et qui compte sur la nouvelle curie du suffrage universel pour obtenir quelques mandats législatifs. Le libéralisme, irrémissiblement solidarisé avec le centralisme teuton, avec la haute finance juive, avec le rationalisme infécond, est accusé de n’avoir tenu aucune de ses promesses, d’avoir fait de la liberté politique un fétiche, du privilège son idole, et d’avoir méconnu également les saintes et vivantes traditions du passé, les aspirations généreuses du présent, et les droits de l’avenir.

En Belgique, le libéralisme a eu une histoire infiniment plus glorieuse. Plus d’un demi-siècle de liberté vraie, de gouvernement parlementaire réel, de prospérité matérielle et morale, n’a pu pourtant préserver ce parti politique et son congénère, le radicalisme, d’une éclipse que l’on se plaît à croire temporaire, mais qui, pour le moment, est presque complète. Depuis l’avènement du suffrage universel, même entouré des précautions compliquées de la loi, en dépit aussi des belles et salutaires traditions de l’autonomie communale et des franchises locales, le peuple belge s’est détourné des doctrinaires et des progressistes. Il a donné dans la Chambre une majorité énorme au parti catholique. L’opposition comprend à peine quelques rares libéraux, à côté d’un groupe socialiste compact et nombreux. C’est l’effacement presque total des partis moyens. C’est l’abdication du libéralisme en même temps que la dépossession de la bourgeoisie.

En Italie, la révolution n’est pas encore aussi avancée. Toutefois, depuis vingt ans, de bien graves changemens y sont survenus dans l’organisation des partis. Là aussi il a semblé que le triomphe du libéralisme dût être le prélude de sa fin. L’avènement de la gauche au pouvoir en 1876 a donné le signal de cette lente et constante évolution qui, sous le nom légèrement pédantesque de transformisme, a réduit les partis à l’état de poussière, a fait du régime parlementaire une triste contrefaçon. Là aussi, devant l’impuissance chaque jour plus avérée du libéralisme traditionnel, les cadres ont éclaté ; les esprits ont secoué le joug bienfaisant des principes ; la politique est trop souvent descendue au niveau d’une espèce de maquignonnage d’intérêts régionaux