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l’ordre et son autorité fort menacés dans l’île de Candie. Ont-elles été exécutées ? Les Crétois en attendent encore l’entière application. Qu’adviendra-t-il quand on tentera d’en faire bénéficier toutes les provinces de l’empire à la fois ?

Dans quelle mesure, au surplus, et avec quelle efficacité les puissances peuvent-elles peser sur les déterminations du gouvernement ottoman ? Depuis de longs mois, on n’ignorait plus à Constantinople qu’elles feraient acte d’intervention diplomatique ou militaire, par voie de conseils ou par l’emploi de la force. On savait quel était le sentiment de l’opinion publique en Angleterre, et on pouvait craindre l’apparition soudaine d’une flotte britannique, forçant les Dardanelles pour venir mouiller devant le palais du sultan, comme on le demandait de toute part aux conseillers de la reine ; et cependant le sang coulait toujours en Arménie. Au moment même où des voix autorisées annonçaient, à Paris et à Londres, l’entente intervenue entre les cabinets, de nouvelles victimes, en nombre considérable, succombaient à Everek sous le fer des égorgeurs. Or, de deux choses l’une : ou la Porte était consentante, et dès lors quelle confiance est-il permis d’accorder aux récentes déclarations du sultan ; ou bien elle réprouvait ces méfaits sans oser les réprimer, et dans ce cas son impuissance est surabondamment démontrée. Dans l’une et l’autre de ces deux hypothèses, les puissances seront également tenues d’aviser ; comment y procéderont-elles ?

Dans les discours enflammés qui ont été prononcés à la Chambre des députés, comme dans toute la presse européenne, on a retracé, avec une éloquente indignation, le tableau des calamités qui révoltent et affligent la conscience publique. On a sommé les gouvernemens d’agir et de se hâter. Soyez fermes, persévérans, leur a-t-on dit, et vous obligerez la Porte à s’incliner devant vous, à remplir les devoirs qui lui incombent ; vous le pouvez assurément si vous déployez l’énergie que comporte l’autorité du monde civilisé ; si vous vous abstenez, vous deviendrez les complices des criminels que nous vous dénonçons ; votre responsabilité y est engagée, elle n’est déjà que trop compromise.

Mais, orateurs et publicistes n’ont jamais trouvé qu’un expédient pour remédier aux maux qui dévorent la Turquie : l’action diplomatique, oubliant qu’elle a été exercée en pure perte depuis plus d’un demi-siècle. La diplomatie s’est montrée ferme, persévérante, elle a déployé, en toute occasion, une énergie