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Salisbury ? N’attachera-t-on peut-être pas, à Constantinople, plus d’importance qu’il ne faut à des divergences aussi légères ? La crainte qu’exprimait M. Hanotaux au sujet du discours du Guildhall ne peut-elle pas s’appliquer aussi à celui de la Chambre des lords ? On se demande parfois si lord Salisbury, quel que soit son désir d’exercer une impression efficace sur le sultan, qui ne peut pas tout, mais sans lequel on ne peut rien, emploie toujours les meilleurs moyens pour atteindre ce résultat. L’avenir éclaircira ces doutes.

Parmi les puissances, et bien qu’elles soient toutes d’accord entre elles, il en est certaines qui le sont encore davantage les unes avec les autres. De même que l’Autriche-Hongrie l’est plus particulièrement avec l’Angleterre, la Russie l’est plus particulièrement avec la France. L’entente entre ces deux derniers pays ne s’arrête sans doute pas aux affaires d’Orient ; on l’a déjà vue se produire ailleurs : elle se manifeste de nouveau, aujourd’hui, d’une manière très significative. Le comte Mouravief, ministre des Affaires étrangères de l’empereur Nicolas, se rendant de Copenhague à Saint-Pétersbourg, est passé par Paris. Il doit aussi passer par Berlin, mais les deux voyages n’ont évidemment pas le même caractère. Le comte Goluchowski était lui aussi à Berlin il y a quelques jours à peine. On ne sait pas très bien quel était le but de sa visite ; peut-être était-ce seulement de réchauffer la tiédeur du gouvernement allemand au sujet des affaires d’Orient, et de communiquer au prince Hohenlohe et au baron de Marschall quelque chose du feu qui l’anime. Nous sommes malheureusement condamnés à ne pas savoir, au moins pas encore, s’il y a réussi. Peut-être se proposait-il un objet tout différent, et mieux vaut ne faire aucune conjecture, de peur d’en faire d’inexactes. Il est tout naturel, entre deux alliés, de se voir le plus souvent possible ; on a presque toujours quelque chose à se dire. C’est vraisemblablement pour cela que le comte Mouravief est venu à Paris. Au lendemain de sa nomination au ministère des Affaires étrangères de Russie, et avant de prendre définitivement possession de son poste, l’opportunité d’un séjour, ne fût-ce que de quelques heures, au milieu de nous n’était pas contestable ; l’occasion était bonne, il était tout simple d’en profiter. Pendant son ministère, le prince Lobanof est venu également en France, et les conversations qu’il a eues avec quelques-uns de nos hommes politiques, avec le Président de la République, avec le ministre des Affaires étrangères, n’ont pas été inutiles. Mais ce qui frappe surtout dans la démarche du comte Mouravief, c’est l’intention évidente de manifester une fois de plus à tous les yeux l’intimité politique qui existe entre son gouvernement et le nôtre. A vrai