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REVUE DRAMATIQUE

Jean-Gabriel Borkman, pièce en quatre actes de M. Henrik Ibsen, traduction de M. Prozor. — A l’Odéon, l’Étranger, comédie en quatre actes de M. Auguste Germain.

Appliquons-nous à bien comprendre, car M. George Brandes nous guette. Mais en même temps gardons-nous bien de « chercher le symbole », puisque M. Brandes nous affirme qu’il n’y en a pas un seul dans tout le théâtre de M. Ibsen, et que l’auteur des Revenant et du Canard sauvage ne sait pas même ce que c’est.

Jean Gabriel Borkman est un financier de vive imagination à qui il est arrivé malheur. Il entendait jour et nuit le charbon des mines, et les métaux cachés dans les entrailles de la terre, et les richesses secrètes de la mer profonde lui chanter à l’oreille : « Délivre-nous, mets-nous en « actions », fais-nous servir au bonheur de l’humanité, et par nous tu seras roi du monde. » Mais, pour être en état d’exaucer la mystérieuse prière de ces forces enchaînées, Borkman voulut d’abord se faire nommer directeur de la Banque de Copenhague. Cette nomination dépendait de l’avocat Hinkel. Or Hinkel aimait Ella Rentheim, laquelle adorait Borkman et lui était même fiancée. Borkman dédaigna subitement l’amour de la jeune fille pour ne point désobliger Hinkel, et, pour le rassurer tout à fait, il épousa Gunhild, la sœur jumelle d’Ella. Grâce à quoi, il fut nommé directeur de la Banque.

Là, il « fit grand ». Il n’hésita pas, tant il se sentait absous par la sublimité de son rêve, à disposer de l’argent qu’on lui avait confié. Là-dessus Hinkel, toujours repoussé par Ella et attribuant ce refus à Borkman, se vengea en le dénonçant. Et Borkman fut condamné à cinq ans de prison cellulaire.

Ella Rentheim, demeurée riche (car, après la débâcle, on retrouva,