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DUPLEIX ET SON BI-CENTENAIRE

La séance solennelle tenue à la Sorbonne le dimanche 17 janvier, sous la présidence du ministre des Colonies, pour célébrer le bi-centenaire de Dupleix, a eu le caractère d’une cérémonie expiatoire. M. Lebon dans sa spirituelle allocution, M. Bonvalot dans sa piquante et chaleureuse conférence ont flétri comme il convenait l’odieuse injustice dont la France d’autrefois se rendit coupable envers un grand homme, qui avait travaillé durant plus de trente années à lui donner l’empire des Indes. Les poètes ont renchéri sur le conférencier, et M. Haraucourt s’est écrié par la bouche de Mme Sarah Bernhardt :


... Les nains sont toujours les vainqueurs,
Ils ont la voix du nombre et le geste du maître,
Et leur petite main sait broyer les grands cœurs.


Il n’est que trop certain que, brutalement destitué en 1754, Dupleix fut rappelé de Pondichéry dans le temps même où sa présence y était le plus nécessaire. Il ne faut cependant rien exagérer, et on aurait tort de croire que la France tout entière, méconnaissant les services qu’il lui avait rendus, ait été insensible à la gloire de ses hauts faits. On lui prodigua à son arrivée les témoignages d’estime et d’admiration. « Croiriez-vous, disait-il, que sur la route de Lorient à Paris, j’étais obligé de fermer les stores de ma chaise de poste, pour pouvoir m’échapper de la foule? Dans tous les endroits où nous changions de chevaux, j’entendais des propos qui auraient lieu de flatter le plus présomptueux, mais dont, grâce à Dieu, je me suis garanti autant qu’il a dépendu de moi. Ma femme a été dans le même cas. Elle et moi, nous n’osions paraître dans Lorient par l’affluence du peuple qui voulait nous voir et