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Un principe se juge à ses applications, une méthode se détermine par son objet: apprécions sur cette base la valeur comparée de la concurrence et de l’association en tant que principes de l’activité industrielle et que méthodes de progrès économique.

Le régime de la concurrence fonctionne avec plein succès en temps normal; attirant sans cesse le capital dans la voie des emplois rémunérateurs, il stimule la production, et réussit à régler le plus exactement possible les prix de vente sur les prix de revient, à maintenir les cours des denrées aux taux les plus bas. En présence de certains problèmes plus compliqués de la vie économique, il faut reconnaître que ce facteur individualiste du travail reste souvent au-dessous de sa tâche. C’est ainsi qu’il favorise la surproduction sans remédier à ses conséquences, qu’il se montre impuissant devant certaines entreprises longues et coûteuses qui découragent les forces isolées des capitalistes rivaux. Son usage dégénère aisément en abus, et son abus fait naître ces terribles guerres de prix qui ôtent toute stabilité aux affaires. Enfin c’est une dure loi que celle de la destruction fatale des moins aptes par les plus aptes qui survivent : c’est la vraie loi d’airain du monde économique.

On trouve dans le régime de l’association des avantages opposés et des défauts symétriques. L’association grossit la puissance de l’instrument de travail, prévient ou limite les crises de surproduction. Elle pare aux excès de la concurrence aiguë, et donne au prix des choses l’uniformité dans la stabilité. En liant la fortune des établissemens les moins favorisés à celle des établissemens les plus favorisés, elle atténue la dureté du struggle for life industriel. En revanche, comme la concurrence elle-même, comme toute institution humaine, l’association peut être détournée de son but, et, par l’accroissement arbitraire des prix, on peut changer en une arme de guerre sociale cet instrument de paix; mais, comme la concurrence encore, l’association trouve un frein nécessaire et automatique dans l’abus même qui en est fait, et qui engendre fatalement la concurrence comme l’abus de la concurrence engendre fatalement l’association.

Association et concurrence, voilà donc les deux grands ressorts du mécanisme économique, les deux leviers parallèles et rivaux de la production. Toutes deux sont légitimes parce qu’elles sont naturelles et répondent à des besoins spéciaux, à des fonctions diverses de la vie sociale. L’une et l’autre prédominent