ses excès sans supprimer ses avantages, et nous croyons que, pour répondre aux exigences des temps à venir, les législations devront dorénavant se montrer très circonspectes, procéder par voie de tâtonnemens, et se faire plus ou moins expérimentales de leur nature, si elles ne veulent arrêter le progrès en cherchant à en régler le cours. Une bonne mesure à prendre, et qui paraît rallier dès aujourd’hui la majorité des suffrages en Amérique, c’est d’assujettir les grands syndicats à des conditions de publicité qui les obligent à vivre au grand jour; quelques-uns d’entre eux commencent dès maintenant à comprendre qu’ils ont plus à gagner qu’à perdre au régime de la pleine lumière. En second lieu, préciser la responsabilité personnelle des administrateurs dans toute l’étendue de leurs attributions, et en assurer l’exercice éventuel, voilà encore une réforme qui ne rencontrerait sans doute aux États-Unis que des faveurs, et dont la réalisation sera grandement facilitée le jour où la législation des sociétés commerciales, retirée aux États, sera centralisée entre les mains du Congrès. Enfin, par des dispositions précises et prudentes, pour lesquelles une large liberté d’appréciation serait laissée au pouvoir judiciaire, il faudrait soigneusement déterminer et sévèrement punir les spéculations des syndicats tendant à l’accaparement d’une richesse, à l’étranglement du marché, à l’oppression du producteur de matières premières ou à celle du consommateur : c’est ce que les lois américaines n’ont jusqu’à présent pas réussi à faire.
D’ailleurs, plus encore que les lois possibles, les faits actuels offrent d’eux-mêmes au peuple américain une garantie matérielle et très sûre contre les grands monopoles, une sorte d’hypothèque privilégiée sur les trusts. Les abus ruinent les syndicats, et l’on se convaincra à la longue que les seuls qui subsistent sont ceux qui réussissent à satisfaire aux exigences légitimes du public en même temps qu’à répondre aux conditions nouvelles de l’industrie, ceux qui apportent dans leur fonctionnement cette qualité de fairmindedness, cet esprit d’équité qui est l’un des plus beaux traits du caractère anglo-saxon. « Je n’ai jamais vu, disait un jour M. Carnegie, le roi de l’acier, — un grand ami des ouvriers, — une tentative de suppression absolue de la concurrence qui ait abouti à un succès durable. »
C’est ce qu’il y a de rassurant; pourtant cela même ne peut permettre de négliger une autre face de la question, et de passer