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alliances ou combinaisons se rencontrent en Amérique dans toutes les branches de l’industrie. Partout elles restreignent la concurrence, préparant la voie aux grands syndicats, aspirant elles-mêmes au monopole ; depuis les plus simples ententes qui se concluent habituellement entre établissemens voisins, jusqu’à la fédération gigantesque qui embrasse tout un ordre de production dans un continent tout entier, elles marquent les degrés successifs de la centralisation dans le régime industriel : c’est la série continue où se traduisent les progrès de l’universelle tendance à l’association en matière économique.


II

En Europe, cette tendance est moins prononcée qu’aux États-Unis, ses résultats pratiques sont aujourd’hui moins avancés, d’abord à cause de l’extrême morcellement du marché que divisent les barrières de douanes, et puis parce que dans notre vieux monde tout progrès économique, que ne favorise pas, comme dans le nouveau, l’ardente exubérance de l’initiative individuelle, se voit entravé et retardé par les prescriptions trop rigides d’une législation trop compliquée. Dès à présent, le mouvement centralisateur de l’industrie y a donné naissance à des ententes diverses, comme celles qui unissent entre eux chez nous les raffineurs de sucre, les assureurs sur la vie, les métallurgistes de diverses régions du nord et de l’est. Les compagnies anglaises de navigation qui font le service de l’Extrême-Orient sont syndiquées. En Allemagne, les Cartelle du fer, du charbon, de la soude, du plomb, L’Eisencartel ou coalition sidérurgique en Autriche-Hongrie, sont fondés sur des traités qui lient dans une industrie donnée toutes les entreprises rivales, et pourvoient, par des dispositions précises, à la répartition des commandes et à la fixation des prix. Enfin, depuis dix ans, nous avons vu plusieurs essais d’organisation de syndicats industriels internationaux, notamment pour l’acier, l’étain, le zinc. Morales ou matérielles, ces diverses associations n’ont jamais revêtu la forme fédérative du trust, la plus solide, la plus vivante, la plus durable ; celle-ci est demeurée une spécialité de l’Amérique. Donnons quelques détails sur l’histoire de quelques-uns des grands trusts industriels aux États-Unis.

Le premier de tous, et le plus heureux, c’est le syndicat du pétrole. Un jour de l’année 1855, Jonathan Watson, propriétaire