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mystérieuse et bruyante. Wronski étudia les sciences mathématiques, on ne sait sous quel maître. Il serait facile à l’Académie de Cracovie, curieuse aujourd’hui de Wronski, de rechercher son nom, Hoëné ou Wronski, sur les registres des universités, en 1798 et 1799.

Hoëné Wronski, après deux ans d’études, se dirigea vers Marseille, où il s’engagea dans la légion polonaise, alors sans emploi. Il continua ses études, et commença ses travaux. Les devoirs d’officier lui laissaient du loisir ; il donnait des leçons et enseignait tout ce qu’on voulait apprendre : langues anciennes, langues modernes, — il en savait douze, — sciences mathématiques ou physiques, philosophie et morale, il était prêt à tout ; mais ses élèves étaient rares ; il vivait pauvrement. C’est à Marseille que Wronski forma le projet de remonter au premier principe, et de réformer le savoir humain. Wronski a vécu soixante-quinze ans ; jusqu’à son dernier jour, il a conservé les espérances et les illusions de sa jeunesse ; aucune contradiction n’apparaît entre les promesses de 1803 et les résultats annoncés à l’univers, souvent dans les mêmes termes, dans les derniers jours de sa carrière. Sans parler de son premier ouvrage , le Bombardier polonais, dont il n’existe plus d’exemplaire, nous rencontrons d’abord sous le nom de Wronski un mémoire d’astronomie envoyé à l’Académie des Sciences de Paris, en l’an IX (1801), puis, en 1803, un ouvrage publié par livraisons : Philosophie critique découverte par Kant, fondée sur le dernier principe du savoir humain. On annonçait quarante-huit livraisons, on s’arrêta à la troisième, faute de lecteurs sans doute, et d’acheteurs. Le premier ouvrage de Wronski eut le sort de la plupart des autres ; les exemplaires, vendus à la livre, s’écoulèrent chez les épiciers ; c’est pour cela qu’ils sont rares et se payent très cher.

« En 1803, a écrit Wronski vingt ans après, j’avais déjà décou- vert le principe de toute réalité, nommément L’ESSENCE DE L’ABSOLU ; l’humanité n’était pas préparée à accueillir et à comprendre une doctrine si importante et si haute. » On comprend, en parcourant les trois livraisons dont notre Bibliothèque Nationale possède deux exemplaires, qu’elles aient découragé les lecteurs. Wronski, déjà très obscur, n’était pas encore célèbre ; incertain dans sa voie, dès la seconde livraison, il abandonne le programme développé dans la première. Le style est décourageant. La définition qu’il donne des mathématiques ne fait