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réforme, quelle qu’elle soit. Les conservateurs étaient, en cela, engagés comme les libéraux ; et bien qu’il n’y eût rien de formel dans la capitulation du Zanjón[1], si ce n’est « la concession à l’île de Cuba des mêmes conditions politiques, organiques et administratives dont jouit l’île de Puerto-Rico », ils avaient endossé de leur signature cette traite tirée sur l’Espagne. Affaire d’autant plus difficile à régler que ni le créancier ne savait ce qu’on lui devait ni le débiteur ce qu’il devait au juste. Mais, quoique vagues, il y avait des engagemens contractés, et M. Canovas del Castillo l’avait déclaré solennellement : « ces engagemens, il les remplirait, il espérait que la Chambre de 1878 d’abord, une autre ensuite, que la nation entière les tiendrait[2]. »

On transigea, par conséquent, sur le projet de M. Maura, que l’on amenda le plus qu’on put, l’élaguant de-ci et de-là, regagnant le terrain pied à pied. Et tandis que, dans les Cortès, on bataillait sur ce projet pour décider ce qui en resterait et quelle en était la portion congrue, à Cuba, l’on s’impatientait. Entre les deux partis connus, l’Union constitutionnelle, et le Parti autonomiste, sous les auspices de M. Maura, un troisième parti se formait, qui s’intitulait réformiste. Il enlevait à l’Union constitutionnelle ses élémens les plus libéraux, empruntait au Parti autonomiste ses élémens les plus espagnols, en résumé affaiblissait à Cuba la cause de l’Espagne, criait : « Vive Maura ! » et ne réussissait pas à faire qu’on ne criât plus : « Viva Cuba libre ! » — puisque le cri, le grido, a dans ce cas tant d’importance, — ni que l’Union constitutionnelle consentît aux réformes de M. Maura, ni que les autonomistes s’en contentassent. Il créait, c’était tout, une division de plus, dans un pays où il n’y avait déjà que trop de divisions. Les uns parce qu’elles accordaient trop, les autres, parce qu’elles n’accordaient pas assez, ces réformes froissaient et irritaient tout le monde.

C’était, à Cuba même, le temps du général Calleja, qui s’en remettait à un révolutionnaire du soin de l’avertir des progrès de la révolution ; c’était, au Maroc, le temps des incidens de Melilla, où M. Sagasta, doublé du général López Dominguez, suait sang et eau à mobiliser 40 000 hommes. L’Espagne, comme son gouverneur général, comme son président du conseil, semblait

  1. Eug. Ant. Flores, la Guerra de Cuba, p. 383.
  2. Canovas del Castillo, la Paz de Cuba, discurso del dia 8 de Mayo de 1878, p. 89.