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d’une province ne voulaient plus obéir aux « officiers » de la province voisine : ou, plus exactement, personne n’obéissait plus à personne. Il y avait bien un Président de la République, Vicente Garcia, et une Chambre des députés, errant dans la manigua, dans la brousse… Mais, le 6 février, comme Vicente Garcia cheminait du campement de San-Agustin au campement du Chorrillo, où l’attendait, pour traiter, Martinez Campos, un de ses compagnons dit, en le montrant du doigt, à l’aide de camp du général espagnol qui les conduisait vers lui : « À l’heure qu’il est, un grand nombre d’insurgés obéiraient à Martinez Campos plus volontiers qu’à celui-ci ! » Et, lorsque la Chambre fut dissoute : « Le café même, s’écriait un chef de bande, célébrant la nouvelle sous sa tente, le café même paraît meilleur depuis qu’il n’y a plus de Chambre[1] ! »

Aux premiers jours de février, la Révolution en était là, c’est-à-dire qu’elle était finie, lorsque le maréchal, tout en pensant qu’il pourrait imposer la paix sans concessions, « préféra payer un peu cher les fusils qu’on lui livrait, plutôt que d’exposer ses troupes aux inclémences de l’été, plus meurtrier que le plomb ennemi, dont lui ni ses hommes n’avaient jamais eu peur[2]. » Noble souci et qui ne peut qu’honorer davantage un soldat que la guerre a comblé d’honneurs… Si donc on insiste sur ce caractère spécial de la capitulation du Zanjón, ce n’est, à aucun degré, pour satisfaire une vaine ou malicieuse curiosité, c’est que ce caractère de capitulation rétribuée a eu sur la suite des événemens une influence que le général Martinez Campos n’avait pas mesurée, ayant peut-être vu juste, mais n’ayant pas vu loin, et n’ayant pas assez réfléchi que c’est rendre l’insurrection périodique, que de la rendre lucrative.

Tout, en effet, ne fut pas fini, avec la capitulation du Zanjón. Les derniers mois de 1878, et les premiers de 1879 furent marqués par des soulèvemens et des répressions. Après les dix années de la grande guerre que venait de terminer Martinez Campos, on eut, dans les provinces orientales, la guerra chiquita, la petite guerre , qui fit la réputation du général Polavieja ; et après la guerra chiquita elle-même, on eut plutôt des trêves que la paix. Les anciennes bandes restaient groupées et organisées pour l’insurrection ; quand elles le pouvaient, elles cachaient leurs armes

  1. Eug. Ant. Florès, La Guerra de Cuba, p. 359 et 370.
  2. Id., ibid., p. 418.