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ni instruction. — L’Espagne exploite, écrase et corrompt Cuba. » Nous ne nous chargeons pas de démêler ce qui, dans ces récriminations, est fondé, ce qui l’est moins, ce qui ne l’est guère et ce qui ne l’est point ; mais, pour être juste, il faut dire qu’il n’est pas un de ces articles que les Espagnols aient laissé sans réponse. Le gouvernement lui-même y a fait répondre dans une brochure officieuse, d’une concision et d’une précision remarquables, publiée sous ce titre : L’Espagne et Cuba, état politique et administratif de la grande Antille sous la domination espagnole[1]. Et, si le gouvernement paraît dans cette affaire trop intéressé, un prêtre qui connaît bien Cuba pour y avoir passé de longues années et qui n’est pas suspect de tendresse envers les autorités militaires ou civiles, pour avoir eu, sur des choses d’église, maille à partir avec elles, don Juan-Bautista Casas[2] répond exactement ce que le gouvernement répondait.

« L’Espagne refuse au Cubain tout pouvoir effectif dans son propre pays. » Du côté espagnol, on réplique par la liste des Cubains pourvus de hauts emplois dans l’armée, l’enseignement, la magistrature, le clergé, les diverses administrations, tant dans la péninsule que dans les possessions d’outre-mer. — « L’Espagne condamne le Cubain à l’infériorité politique sur le sol où il est né. » Du côté espagnol, on répond que Cuba est représentée aux Cortès par 13 sénateurs et 30 députés, et que le Cubain (quoiqu’il y ait Cubain et Cubain) n’est condamné à l’infériorité ni dans l’État, ni dans la province, ni dans la commune.

« L’Espagne confisque le produit du travail des Cubains » (cela se rapporte probablement à l’impôt et à l’usage qui en est fait) sans donner à Cuba la sécurité, la prospérité, l’instruction. — Du côté espagnol, on répond que ce n’est pourtant point l’Espagne qui fomente les prises d’armes, pour avoir le plaisir de dépenser du sang dont elle n’a pas de trop, et de l’argent dont elle n’a pas assez, à les arrêter ou à les châtier. — « Donner à Cuba la sécurité ! » Mais c’est Cuba qui doit et peut se la donner à elle-même. Lorsqu’une insurrection se produit, ce n’est pas dans les rangs espagnols que vont aussitôt s’enrôler les brigands authentiques — les gens sans métaphore volti a’ latrocinii, — ceux qui rançonnent villages, usines et fermes, comme ce Manuel Garcia, qui se fit appeler :

  1. España y Cuba, Estado politico y administrative de la grande Antilla bajo la dominacion española.
  2. D. Juan-Bautista Casas, la Guerra separatista de Cuba.