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Dès qu’il y a eu à Cuba des Cubains, fils d’Espagnols, mais nés à Cuba et non en Espagne, la formule : Cuba aux Cubains ! devait apparaître et est apparue ; corollaire, d’ailleurs, d’une autre formule qui retentit entre les deux pôles à travers tout un hémisphère ; l’Amérique aux Américains ! Notre ennemi, dans ce cas, c’est notre père ou notre frère : l’ennemi du Cubain natif, c’est l’Espagnol ; c’est l’homme qui vient de l’autre rivage de l’Océan cultiver la terre de Cuba ou remplir une fonction publique à Cuba, ne fût-il qu’un pacifique employé de la régie, ou moins encore, un pauvre laboureur de Galice, dès qu’il lui faut pour vivre un petit champ à Cuba, un petit emploi à Cuba, c’est toujours un conquistador : et si peu qu’il tire de Cuba, autant il en prend, autant il en vole. — Voilà assez de motifs d’agitation et d’insurrection que les Cubains se donnent à eux-mêmes et qui résident en eux-mêmes : mais ce n’est pas tout : ils soutiennent que les Espagnols leur en fournissent de plus nombreux et de plus irritans encore, et ils énumèrent longuement leurs griefs.

À les en croire, à en croire ceux d’entre eux qui savent ce qu’ils font, l’Espagne est la plaie de Cuba. Si l’île n’est pas plus peuplée, plus prospère, plus avancée en civilisation, c’est la faute des Espagnols. S’il y a trop de nègres à Cuba, c’est leur faute ; pourquoi ont-ils exterminé les Indiens ? — Et s’il y a trop peu de blancs, c’est leur faute, parce que de toute façon ils les ont découragés de venir ; parce qu’ils ont exigé des immigrans leur extrait de baptême et que pour un peu ils leur eussent demandé un billet de confession. Si le sucre de canne ne se vend plus aussi cher ou ne se vend plus, ce n’est point par la concurrence du sucre de betterave ; c’est la faute des Espagnols qui n’en consomment pas suffisamment et qui établissent des droits tels, qu’ils empêchent les autres d’en manger. Si le fin tabac de la Havane, celui de la partie occidentale de l’île, de la Vuelta Abajo, ne rend pas autant qu’il devrait rendre et si les cigares vendus sous ce nom glorieux de havanes sont faits avec les feuilles moins parfumées dos plantes nourries dans les provinces de Puerto-Principe et de Santiago de Cuba, c’est la faute des Espagnols ; c’est leur faute si le sucre est moins cher et le tabac moins bon.

« L’Espagne refuse au Cubain tout pouvoir effectif dans son propre pays. — L’Espagne condamne le Cubain à l’infériorité politique sur le sol où il est né.— : L’Espagne confisque le produit du travail des Cubains sans leur donner ni sécurité, ni prospérité,