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et les Italiens, ce que l’on nomme la libre pensée. Tout au fond, tout en bas, les nègres, mal décrassés de leur fétichisme africain ou livrés à un ñañiguisme obscène et sanglant[1]. Quant aux Chinois, qui sont évidemment ce qu’il y avait de plus misérable en Chine, ils ne pratiquent que les formes les plus grossières du boudhisme, déguisées parfois, dans l’espoir du lucre, sous quelques simagrées d’édification chrétienne.

Au total, une confusion, nulle fusion, ni ethnique, ni politique, ni religieuse : de quoi rendre plus ingouvernable encore un mélange d’hommes qui n’est pas une nation, pas même un peuple, et dont chaque élément premier était déjà naturellement ingouvernable. L’attachement patriotique envers l’Espagne, quelque vif qu’il soit dans certaines classes, n’est point, lui non plus, un ciment entre toutes les classes. C’est bien d’après lui que tend à se faire, depuis les récens événemens, le classement des partis cubains, qui n’épousent pas aveuglément les querelles des partis de la métropole, puisque l’un d’eux, l’Union constitutionnelle, comprend à la fois des personnes qui, en Espagne, seraient classées sous les trois étiquettes de conservateurs, de libéraux et de républicains, tandis que l’autre, le Parti autonomiste, tend de plus en plus à devenir un parti séparatiste, en tout cas, pousse l’amour de l’autonomie jusque tout près de la séparation. Les Espagnols de race pure forment, par conséquent, le noyau de l’Union constitutionnelle ; on ne dit pas, — ce qui serait manifestement inexact, étant donné le nombre de ses adhérens, — qu’ils le composent à eux seuls ; mais il est aisé de concevoir que l’attachement pour l’Espagne diminue à mesure que décroît la limpieza, la pureté du sang espagnol.

Le créole est moins passionnément Espagnol que l’Espagnol pur ; le mulâtre l’est moins que le créole ; l’étranger ne l’est pas du tout, et le nègre ou le Chinois n’est rien du tout. Si l’Espagnol pur veut, comme jadis, rester le maître, traiter l’île comme sa chose, une chose conquise, — ce que les mécontens lui reprochent, — tous les autres jalousent celui-ci et se méprisent d’étage en étage, jusqu’au dernier degré de l’abjection, où sont le nègre et le Chinois. La règle d’action leur est donc toute tracée : pour tous, se débarrasser de l’Espagnol, quitte, après cela, pour chacun,

  1. Rafaël M. Merchan, Variedades, t. I, p. 481. La poblacion de color en Cuba. — Cf. Juan-Bautista Casas, la Guerra separatista de Cuba. p. 123 et suiv. — Eugenio-Antonio Flores, la Oum-a de Cuba, p. 62-63.