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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 janvier.

Les élections sénatoriales du 3 janvier ont été si parfaitement conformes à ce que nous avions prévu et annoncé que nous n’aurions rien à en dire de plus, si elles n’avaient pas été accompagnées de quelques incidens dignes d’être relevés. La bataille était entre le parti radical-socialiste et le parti républicain modéré. Ce dernier n’avait aucune prétention à augmenter dans la Chambre haute le chiffre de son effectif antérieur : le parti radical-socialiste annonçait, au contraire, que la majorité serait, sinon complètement renversée au Sénat, au moins profondément modifiée. Dès lors tout deviendrait facile, et le char de l’État, n’étant plus retenu par aucun frein, serait précipité, brides abattues, sur la route du progrès par la révolution. Allons droit au résultat : il a été parfaitement nul. Le Sénat est aujourd’hui exactement ce qu’il était hier, et c’est tout ce qu’on pouvait pour lui désirer, ou du moins espérer de mieux.

Les radicaux socialistes ont bien fait de triompher la veille du scrutin, puisqu’ils ne devaient pas pouvoir le faire le lendemain. Ils avaient multiplié les métaphores pour annoncer la destruction de la vieille forteresse, de la bastille du Luxembourg. N’ayant pas réussi à pénétrer dans la place, ils se réjouissent d’en avoir fait sortir un ou deux occupans, un surtout, qui n’est autre que M. Constans. M. Constans n’avait pas fait beaucoup parler de lui depuis quelques années. Après avoir rendu un grand service à son parti, ou pour mieux dire à son pays, il s’était laissé aller à la nonchalance qui, après la poussée d’un effort vigoureux, est dans le caractère des Méridionaux. Cet homme qu’on a représenté comme un politique du XVIe siècle, au regard froid, implacable, et la main toujours fixée sur une arme secrète, n’est qu’un homme d’esprit, qui a le sens de l’à-propos, capable, comme il l’a prouvé, d’une action décisive à un moment donné, mais très capable aussi, comme il ne l’a pas moins prouvé, de s’endormir ensuite dans un long repos. Ses ennemis ne s’endormaient pas. Ils lui