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comprenne l’intention et la portée ; il faut que, d’avance, il soit clair que la révocation n’est pas une préface de coup d’Etat, comme on va le hurler ; qu’elle est un acte nécessaire d’ordre gouvernemental, de discipline militaire et de défense. Il dévore l’outrage et se prépare, impassible en apparence.

Il dissout la Société du Dix-Décembre, qu’on accuse d’être organisée en vue du rétablissement de l’Empire, substitue le général Schramm à d’Hautpoul. A l’ouverture de la session dans son message, il reprend, en termes sur lesquels il n’est pas permis d’équivoquer, ses assurances de Lyon et de Strasbourg : « J’ai souvent déclaré, lorsque l’occasion s’est offerte d’exprimer publiquement ma pensée, que je considérais comme de grands coupables ceux qui, par ambition personnelle, compromettaient le peu de stabilité que nous garantit la Constitution. C’est ma conviction profonde, elle n’a jamais été ébranlée. Les ennemis seuls de la tranquillité publique ont pu dénaturer les plus simples démarches qui naissent de ma position. Comme premier magistrat de la République, j’étais obligé de me mettre en relation avec le clergé, la magistrature, les agriculteurs, les industriels, l’administration, l’armée, et je me suis empressé de saisir toutes les occasions de leur témoigner ma sympathie et ma reconnaissance pour le concours qu’ils me prêtent ; et surtout, si mon nom, comme mes efforts, a concouru à raffermir l’esprit de l’armée, de laquelle je dispose seul d’après les termes de la Constitution, c’est un service, j’ose le dire, que je crois avoir rendu au pays, car j’ai toujours fait tourner au profit de l’ordre mon influence personnelle. Il est aujourd’hui permis à tout le monde, excepté à moi, de vouloir hâter la révision de notre loi fondamentale. Si la constitution renferme des vices et des dangers, vous êtes tous libres de les faire ressortir aux yeux du pays. Moi seul, lié par mon serment, je me renferme dans les strictes limites qu’elle a tracées. » Il conclut ainsi : « Quelles que puissent être les solutions de l’avenir, entendons-nous, afin que ce ne soit jamais la passion, la surprise ou la violence qui décident du sort d’une grande nation. Inspirons au peuple l’amour du repos, en mettant du calme dans nos délibérations ; inspirons-lui la religion du droit, en ne nous en écartant jamais nous-mêmes ; et alors, croyez-le bien, le progrès des mœurs politiques compensera le danger d’institutions créées dans des jours de défiances et d’incertitudes. Ce qui me préoccupe surtout, soyez-en persuadés, ce