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dans les palais, ils sont sous le chaume ; ils ne sont pas sous les lambris dorés, ils sont dans les ateliers, dans les campagnes. » La majorité avait été froissée de ce langage. La demande ministérielle fut accueillie avec raillerie et presque outrage. Cependant la commission se décide à allouer dédaigneusement, à titre d’assistance provisoire, 1 600 000 francs. Comme transaction, un ami du Prince, Lefebvre-Duruflé, propose 2 160 000 francs. Changarnier se demande si le moment de l’attaque n’est pas arrivé, et s’il ne fera pas rejeter à la fois les deux propositions. Il va consulter Odilon Barrot. Celui-ci pensa que les choses n’étaient pas assez avancées et qu’il était plus politique de soutenir le projet. Le général suit le conseil et accorde une protection plus blessante qu’une hostilité. Il fut visible à tous que l’Assemblée votait, non pour le Président, mais pour le général. Ainsi la dotation arrivait à l’Elysée comme un gage de servitude (24 juin)[1].

Dans la polémique soulevée par cette affaire, les journaux bonapartistes fulminèrent contre l’Assemblée. Celle-ci voulut rendre le gouvernement responsable de ces excès de presse, tandis qu’elle trouvait naturels ceux non moins graves des journaux monarchiques. Elle cita devant elle le Pouvoir, le condamna. Les déclamations contre le coup d’Etat redevinrent à la mode, et les déclarations constitutionnelles du ministère recommencèrent : « C’est une calomnie ! dit Baroche. La seule préoccupation de jour et de nuit des ministres, c’est le maintien de ce qui est… Les coups d’Etat sont impossibles tant que les hommes qui sont sur ces bancs seront au ministère. » Affectant de n’être pas rassurée, l’Assemblée, en se séparant du 11 août au 11 novembre, nomma une commission de permanence composée des ennemis déclarés de l’Elysée, Changarnier en première ligne.


VII

Pendant la prorogation, les partis monarchiques affichent de plus en plus ouvertement leurs visées. Le Comte de Chambord appelle à Wiesbaden (10 août) ses futurs ministres ou sujets. Il donne des instructions, arrête des programmes et prononce l’excommunication contre ceux de ses amis qui, avec La Rochejaquelein, adhèrent au système de l’appel au peuple, « négation du

  1. Emile de Girardin.