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armée d’une pesante solidarité. Il rappela Oudinot et Corcelles, et écrivit à Edgar Ney, un de ses aides de camp : « La République française n’a pas envoyé une armée à Rome pour y étouffer la liberté italienne, mais pour la régler en la préservant contre ses propres excès et lui donner une base solide en remettant sur le trône pontifical le prince qui, le premier, s’était placé à la tête des réformes utiles… Dites de ma part au général Rostolan qu’il ne doit pas permettre qu’à l’ombre du drapeau tricolore on commette aucun acte qui puisse dénaturer le caractère de notre intervention. J’ai été personnellement blessé, en lisant la proclamation des trois cardinaux, de voir qu’il n’était pas même fait mention du nom de la France ni des souffrances de nos soldats. Toute insulte à notre drapeau ou à notre uniforme me va droit au cœur et je vous prie de faire bien savoir que, si la France ne vend pas ses services, elle exige au moins qu’on lui sache gré de ses sacrifices. Lorsque nos armées firent le tour de l’Europe, elles laissèrent partout, comme trace de leur passage, la destruction des abus de la féodalité et les germes de la liberté ; il ne sera pas dit qu’en 1849 une armée française ait pu agir dans un autre sens et amener d’autres résultats. » La lettre résumait ensuite les conditions du rétablissement du pouvoir temporel : amnistie générale, sécularisation de l’administration, code Napoléon et gouvernement libéral (18 août 1849).

Tocqueville, Dufaure, Barrot approuvèrent. Le « clérical » du conseil, Falloux, ne fut (tas non plus fâché : il ne lui déplaisait pas que les triumvirs rouges se convainquissent qu’il n’exagérait pas l’irritation du Président et qu’il avait justement réitéré ses avertissemens. Il se contenta de demander que la lettre demeurât confidentielle. Mais, quelques jours après, une dépêche adressée au cabinet anglais, interceptée par la police, fut mise sous les yeux du Président. On l’y raillait d’être devenu le jouet des Autrichiens. Irrité, il télégraphia au général Rostolan de publier sa lettre. Le général prétexta qu’elle n’avait pas été contresignée par un ministre et refusa. Alors Edgar Ney l’envoya au Moniteur toscan qui l’inséra. Sur quoi les ministres français, sans plus de résistance, la laissèrent publier par le Moniteur officiel.

Cette lettre avait plus qu’une importance accidentelle ; elle -était et elle est une date dans la question toujours ouverte de d’organisation terrestre du pouvoir pontifical.

Sous Consalvi, le cardinal Sala avait proposé, dans un