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panache, ils ne s’attendaient pas à ce que M. Doumer allait subitement le mettre dans sa poche, en les laissant quelque peu désorientés. Il en est qui manifestent leur dépit avec amertume ; pour eux M. Doumer est un déserteur, un vendu, un rallié, un homme fini. Nous ne savons pas s’il est vraiment un homme fini ; en revanche, son impôt sur le revenu est bien malade ; c’est aujourd’hui un enfant abandonné. Il n’est pas impossible qu’à la suite du départ de M. Doumer la politique du parti radical subisse quelque transformation, dont il a lui-même senti l’opportunité. Nous avons essayé d’indiquer l’état actuel des affaires de ce parti, et nous ne croyons pas que l’absence de M. Doumer soit de nature à les améliorer. Mais tout change et se transforme, et lorsqu’on a vu, chez un homme politique, une volte-face à ce point inopinée, il est permis de s’attendre à d’autres étonnemens.


Le parlement italien est réuni depuis un mois. Il a déjà eu à s’occuper d’un certain nombre d’affaires qui touchent, les unes à la politique intérieure, les autres à la politique extérieure. Ces dernières sont naturellement celles qui nous intéressent davantage, — d’autant que la plus importante de toutes a été le vote par les deux Chambres du traité conclu, sous nos auspices, par la Tunisie avec l’Italie. Nous avons déjà parlé de ce traité. Il n’a pas eu besoin d’être soumis aux Chambres françaises, parce que ce n’est pas directement un traité de la France, mais seulement de la Régence ; il a dû, au contraire, être soumis aux Chambres italiennes, puisqu’il a été conclu directement par l’Italie avec le bey.

Au reste, l’approbation du traité par notre parlement n’aurait été qu’une formalité, et il y a même lieu de croire que, quelque considérable qu’ait été la majorité à Rome, elle l’aurait été encore plus à Paris. C’est, d’abord, parce que le traité est également avantageux pour les deux pays. Il met fin à une situation qui n’avait déjà que trop duré, situation confuse et indécise, où la France et l’Italie se portaient des coups réciproques, sans aucun profit pour l’une ni pour l’autre, mais où l’Italie avait le plus à souffrir, puisque, malgré tout, nous étions à Tunis dans une situation prépondérante, et que notre autorité, quelles que fussent les entraves qu’on essayât de lui opposer, restait incontestablement la première. L’Italie a invoqué pendant quinze ans les droits qu’elle tenait des anciens traités ; mais, après ce délai, ces droits se sont trouvés périmés avec les traités eux-mêmes, et si on avait essayé d’en faire revivre d’autres, tenant à un passé beaucoup plus lointain et perdu dans les ténèbres de l’histoire, on se serait engagé de part et d’autres dans des controverses sans fin, au milieu desquelles la