Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

décisive : il n’y avait, en 1888, que 70 cercles ; ils étaient, en 1892, 220, et le chiffre des adhérens avait passé de 20 000 à 63 000.

Pratiquement, les cercles évangéliques de travailleurs étaient un terrain des plus opportuns pour l’application du rescrit dans l’Eglise prussienne. Mais l’activité sociale, où les jeunes pasteurs étaient novices et les vieux plus novices encore, réclamait des études théoriques, une maturation, et je n’oserais dire une doctrine, mais du moins un système d’indications et un certain examen des tactiques : la création des congrès évangéliques sociaux, dont le premier eut lieu en mai 1890, pourvut à ces besoins. M. Stoecker en fut le principal initiateur ; avec une complaisance dont la loyauté ne s’est jamais démentie et qui fut blâmée pourtant par certains organes conservateurs strictement orthodoxes, il ouvrit ces congrès à toutes les nuances théologiques et politiques de l’Eglise évangélique. La composition du comité directeur traduisit cette impartialité. On eut annuellement l’occasion piquante de voir assis côte à côte, sur la même estrade, associés par les mêmes visées sociales, des duellistes en théologie que la question du symbole mettait constamment aux prises ; et une fois, à Francfort, l’inélégante saillie d’un orateur orthodoxe contre M. Adolphe Harnack fut vertement désavouée par les amis de M. Adolphe Stoecker.

Ces congrès fort éclectiques se proposaient « de rechercher sans préjugés les conditions sociales du peuple allemand, de les apprécier d’après la norme des exigences morales et religieuses de l’Evangile, et de rendre celles-ci plus fructueuses et plus efficaces pour la vie économique actuelle. » On débuta, comme il était naturel, par des tâtonnemens. Il y avait d’un côté les « stoeckeriens », qui, toujours obsédés par les ambitions de leur chef, n’auraient pas été fâchés que les congrès devinssent le point de départ d’une action politique et parlementaire au profit du christianisme social. Et d’un autre côté, l’école de M. Sulze, pasteur à Dresde, réclamait que l’action chrétienne-sociale se laissât encadrer dans une organisation rajeunie des communautés évangéliques. La communauté comprenant cinq mille âmes au plus, divisée et subdivisée savamment, répartissant entre l’élite de ses membres la garde assidue de tous les autres, et, tout en haut, son pasteur répandant l’esprit évangélique social à travers ces canaux et sous-canaux bien agencés, et par lesquels toutes les maisons de la paroisse seraient, si l’on ose dire, desservies : telle est l’originale conception de M. Sulze ; il en a fait l’application dans un faubourg