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libéralisme économique, et que c’était avec les conceptions matérialistes du socialisme, et avec elles seules, que le christianisme aurait bientôt à compter ; les yeux commencèrent à se dessiller, dans les Eglises évangéliques, lorsque Todt eut ainsi dessiné et illuminé les lignes d’horizon. En second lieu, par l’adresse souvent abusive avec laquelle il surprenait, pour certains détails de ses idées économiques, la signature de Jésus-Christ, Todt donna du moins à penser que le christianisme pouvait fournir les élémens d’une doctrine sociale ; et si la mosaïque de textes qu’il avait aménagée n’en pouvait paraître qu’une imparfaite ébauche, c’en était assez, toutefois, pour qu’aux inspirations et aux tendances suscitées par Wichern se joignît, dans les sphères protestantes, l’ambition d’un système, tout au moins d’un programme social.

Le programme fut esquissé, d’ailleurs, et l’action fut inaugurée par Todt en personne : l’ « Association centrale pour la réforme sociale sur base religieuse et monarchique » naquit en décembre 1877. A son berceau, l’on voyait groupés, à côté de Todt, des parrains d’élite : Meyer, Wagner, Stoecker. On connaît surtout, de Rodolphe Meyer, un livre classique : l’Histoire de l’émancipation du quatrième Etat ; quant à l’homme, l’implacable hostilité de M. de Bismarck et l’ingratitude des circonstances l’écartèrent toujours des premiers rôles, et dans cette pénombre forcée, où sa dignité eût suffi pour le maintenir, Meyer, qui aurait pu être comme le moniteur du parti conservateur prussien, travaille et réussit, depuis vingt ans, à aiguiller le christianisme contemporain. Protestant d’origine, mais fortement imprégné de la théologie catholique du moyen âge, condottiere loyal, inlassable, de la pensée chrétienne sociale, il a tour à tour aidé de son érudition thomiste et de sa dialectique de sociologue les protestans sociaux de Prusse et les catholiques sociaux de Paris et de Vienne : il le fallait saluer au cours de cette histoire, on ne l’y reverra plus. Incessamment au contraire, et jusqu’à la fin, nous rencontrerons Adolphe Wagner, l’un des chefs du « socialisme de la chaire », actuellement professeur à l’université de Berlin ; et puis un ancien aumônier de la garnison allemande de Metz, prédicateur à la cour impériale depuis 1874, le pasteur Adolphe Stoecker.

C’est à préparer des réformes sociales (Vorbereitung sozialer Reformen) que devait tendre l’activité de la jeune association : l’on y voulait mûrir des solutions, qu’on prierait l’Etat de