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dehors même du coup porté aux industries locales, ce serait les priver d’une très grande partie de leur revenu. L’adoption du tarif anglais actuel, en ce qui concerne les relations avec les autres parties de l’empire, entraînerait pour Victoria, par exemple, un déficit de recettes de 600 000 livres sterling. Pour le combler, il faudrait donc établir 15 millions de francs de taxes nouvelles, ce qui n’est point aisé dans un pays de 1 100 000 habitans déjà très obéré et lourdement grevé. En admettant un dégrèvement de moitié seulement, ce seraient 7 à 8 millions à trouver, et l’on serait alors bien loin encore du libre-échange. Pour exagérément élevés et nuisibles que soient les tarifs de maintes colonies, ils n’en constituent pas moins une source de recettes de perception facile et à laquelle on s’est accoutumé. Les gouvernemens coloniaux ont donc d’assez fortes raisons à opposer aux personnes qui leur demandent une brusque réduction des droits. En outre, la ruine de beaucoup d’industries locales, factices évidemment, mais qui n’en occupent pas moins un grand nombre de personnes amènerait une crise sérieuse. La question douanière, qui est déjà la pierre d’achoppement de la fédération australienne, devient plus difficile encore lorsqu’il s’agit d’union de l’empire tout entier.

Les coloniaux, eux, voudraient que la Grande-Bretagne consentît à frapper de droits, légers sans doute, mais appréciables, les produits étrangers qui font concurrence aux leurs : blés, viande, laines et autres, en échange de quoi ils consentiraient à diminuer, mais légèrement seulement, leurs tarifs en ce qui concerne la Grande-Bretagne, pour frapper un peu plus les importations étrangères. Ils accorderaient ainsi un traitement privilégié aux produits britanniques, en même temps qu’ils maintiendraient, sans grande difficulté, l’équilibre dans leur budget et une protection suffisante aux industries locales. Mais, répondent fort justement les Anglais, quel avantage nous assurez-vous ainsi ? Est-ce la possession exclusive de votre marché ? Nous y avons déjà une part tout à fait prépondérante, et vous n’importez guère de l’étranger que des produits que nous ne produisons pas. En revanche, vous voulez nous entraîner à rejeter une politique qui, depuis un demi-siècle, a fait la puissance et la richesse de l’Angleterre ; et les mesures de représailles que ne manqueraient pas de prendre les pays étrangers atteindraient peut-être gravement notre commerce d’exportation avec eux, qui est bien plus important que celui que nous faisons avec vous. Les importations totales de l’étranger dans toutes les colonies britanniques s’élèvent à peine