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tentative précédente avait échoué parce qu’elle n’avait pas été faite sur des bases assez larges, parce qu’un petit nombre de délégués qui n’en avaient pas reçu le mandat direct du peuple avaient, de leur propre autorité, préparé une constitution, la conférence des premiers ministres résolut de confier à une convention, formée de délégués directement élus par le suffrage universel, le soin de tracer la future constitution de l’Australie fédérée. Les divers gouverne mens devaient présenter le plus tôt possible à leurs parlemens respectifs un Federal Enabling Bill qui convoquerait les électeurs à nommer des députés à la Convention nationale. Les élections auraient lieu dans un délai de trois mois après le passage du Bill dans toutes les colonies ; une fois que la Convention aurait voté un projet de constitution, elle s’ajournerait pour donner le temps à l’opinion de l’apprécier et d’y suggérer au besoin des modifications, puis se réunirait de nouveau pour l’amender s’il y avait lieu. Le résultat de ses délibérations serait alors soumis, dans chaque colonie, au suffrage populaire, qui voterait par oui et non sur son acceptation. Jusqu’à présent, ce projet paraît rencontrer un meilleur accueil que celui de sir Henry Parkes, puisque cinq colonies sur six ont déjà passé le Federal Enabling Bill ; seul le Queensland fait attendre son adhésion. Malgré ces apparences favorables, beaucoup de bons observateurs, tant en Australie même qu’au dehors, tiennent que, cette fois encore, la fédération échouera.

Ce n’est pas que l’opinion publique lui soit hostile : si la question était dès aujourd’hui soumise sans ambages au suffrage universel, il se prononcerait sans nul doute à une très grande majorité, dans toutes les parties de l’Australie, en faveur de l’union. Mais c’est le clan des politiciens qui est au fond assez froid à l’égard de cette grande réforme. Ils craignent, si elle est réalisée, de voir diminuer l’effectif, ou, du moins, l’influence des parlemens et des ministères provinciaux réduits à un rôle subordonné vis-à-vis du parlement central ; et s ils affectent quelque sollicitude à l’endroit de la fédération, c’est dans l’espoir seulement d’attirer sur eux l’attention populaire. Ils ont chacun leur propre projet et ne cherchent qu’à nuire au succès de celui de leurs rivaux : dans la Nouvelle-Galles seule, sir Henry Parkes en avait un ; son successeur, sir George Dibbs un second ; et lorsque M. Reid vint essayer d’en faire triompher un troisième, ils le combattirent vivement, prétextant qu’il oubliait les droits