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anglicane, presbytérienne, méthodiste et catholique. Au Canada, le voisinage des États-Unis a produit une plus grande diversité encore : chacune des deux sectes méthodiste et presbytérienne l’emporte légèrement par le nombre des habitans sur l’Église anglicane ; et quelque 300 000 Irlandais viennent s’ajouter aux 1 500 000 Canadiens français qui forment la masse catholique. La proportion des dissidens donne à penser que l’émigration doit être plus forte, en Angleterre même, parmi les non-conformistes que parmi les fidèles de l’Église établie. Ce sont le plus souvent les minorités, formées des gens dont l’esprit est plus indépendant, plus hardi, plus inquiet peut-être aussi que celui de la moyenne de la nation, qui constituent l’élément actif, le ferment de vie et de développement d’un peuple.

Le grand nombre des Écossais, des Irlandais, des dissidens anglais aux colonies est un fait très caractéristique ; et non seulement ils y sont nombreux, mais ils y sont très influens. On me faisait remarquer en Australie que la plupart des grands squatters, des hommes qui s’étaient acquis une importante fortune dans l’élevage, étaient d’origine écossaise ; de même les Écossais ont été, avec les Canadiens français, les pionniers du Nord-Ouest américain, et c’est presque exclusivement parmi eux que se recrutaient les employés de la Compagnie de la Baie d’Hudson. On les retrouve toujours à l’avant-garde de la colonisation. Dans les luttes politiques, Écossais et Irlandais tiennent aussi une très grande place ; mais ces derniers sont bruyans, turbulens ; on peut trop souvent leur appliquer le mot qu’on prête à un fils d’Erin débarquant à New-York un jour d’élection et en butte aux sollicitations des agens des divers partis : « Pour qui êtes-vous ? lui dit-on. — I am against the government, je suis contre le gouvernement. » Telle aurait été sa réponse. Le nombre des Irlandais en Australie paraît être une des causes de l’instabilité gouvernementale qui y règne. Les Écossais, beaucoup plus froids d’extérieur, sont cependant moins conservateurs au fond que les Anglais, plus enclins aux solutions radicales et aux innovations.

Le milieu colonial est donc, non seulement à cause des classes, mais aussi à cause des confessions religieuses et des régions où il s’est recruté, fort différent du milieu anglais. Ses aspirations sont la quintessence des aspirations des nouvelles couches britanniques ; moins gêné par des traditions séculaires, il est bien plus hardi que l’Angleterre dans la voie des réformes ; il