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que l’Angleterre soit prête à y renoncer, et encore moins qu’elle aurait avantage à le faire ; mais quelques atténuations au régime de la liberté douanière en faveur des colonies apparaissent, non pas encore comme probables, mais du moins comme possibles, dans certaines circonstances, alors qu’il y a quinze ou vingt ans l’hypothèse d’une pareille concession eût été universellement considérée comme une utopie, aussi folle que dangereuse.

Si les Anglais ont trouvé en Allemagne des concurrens redoutables pour leur commerce, ils ont découvert aussi, ils se sont imaginé découvrir plutôt que la suprématie de leur marine était également menacée. Sans doute leur flotte est beaucoup plus puissante que celle d’aucune nation continentale. Mais, après avoir posé en principe qu’elle devait l’emporter sur les flottes réunies de deux autres pays quels qu’ils fussent, voici que les Anglais, ou du moins bon nombre d’entre eux, voudraient la voir supérieure aux marines coalisées du monde entier. Depuis que la Grande-Bretagne n’est plus, comme elle l’a été pendant un demi-siècle, la seule puissance coloniale ; depuis qu’elle a vu les autres peuples développer aussi leurs possessions d’outre-mer et se constituer des empires qui prétendent rivaliser avec le sien ; depuis surtout qu’au début de cette année elle s’est trouvée complètement isolée à la suite des affaires du Venezuela et du Transvaal et de sa conduite équivoque en Orient, un parti nombreux et puissant réclame d’énormes augmentations de la flotte et même de l’armée, et le gouvernement a commencé d’exécuter un vaste programme de constructions navales. Toutefois, pour donner aux forces maritimes de l’Angleterre tout le développement qu’ils rêvent, les jingos, — et ils sont nombreux, — pensent que le concours des colonies ne serait pas inutile et qu’il est juste, d’ailleurs, qu’elles contribuent à l’entretien de la flotte qui doit les défendre. En face de l’hostilité ou de la malveillance de tous les autres peuples, les fils dispersés de la Grande-Bretagne doivent serrer les rangs et faire front tous ensemble. La crainte de voir compromise l’hégémonie maritime du Royaume-Uni qui assure les communications entre les diverses parties de l’empire, qui est la garantie de sa prospérité commerciale et de son intégrité, est venue ainsi augmenter le nombre des partisans de la fédération impériale.

Pour n’être pas entré encore dans le domaine des projets réalisables à brève échéance, l’établissement de rapports plus intimes entre le Royaume-Uni et ses colonies est aujourd’hui