Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marchandises coloniales et ouvre librement ses ports aux denrées du monde entier. Au point de vue militaire aussi, l’Empire britannique est entièrement inorganisé, en ce sens que c’est la métropole seule, ou presque seule, qui doit subvenir avec sa flotte à la défense de toutes ses dépendances. Resserrer les liens qui unissent entre elles toutes les parties de l’Empire, en commençant par s’occuper des questions commerciales et militaires, telle est la conception de l’impérialisme britannique dont l’idéal, le but, éloigné, mais qu’on espère atteindre un jour, est la fédération du Royaume-Uni et de ses colonies.

Cette idée impériale est essentiellement moderne, contemporaine même ; elle n’a commencé à germer que depuis un quart de siècle sur le sol de la Grande-Bretagne. Elle était incompatible avec l’ancien système colonial qui, tout en concédant parfois aux colonies d’assez grandes libertés intérieures, laissait la métropole maîtresse de régler à son gré et à son avantage les relations commerciales : seule à approvisionner ses possessions d’articles manufacturés, elle assurait en revanche un traitement privilégié dans ses ports à leurs produits bruts. Après la perte des colonies américaines, les seules qui fussent habitées par une nombreuse population blanche, l’Angleterre, qui douta un instant alors de sa vocation colonisatrice, ne posséda plus pendant longtemps, en dehors de l’empire des Indes encore en formation et administré par la Compagnie, que des îles à sucre, quelques comptoirs africains et de vastes étendues ou bien tout à fait vacantes et transformées en lieux de déportation comme l’Australie, ou très peu peuplées, et habitées en majeure partie par les descendans de ses anciens ennemis, Français ou Hollandais, comme le Canada ou le Cap de Bonne-Espérance. Les libertés locales y étaient très étroitement mesurées, les rapports commerciaux réglés par un protectionnisme rigide, et un projet de fédération n’aurait point eu de sens, puisque l’action du gouvernement métropolitain se faisait sentir très directement dans toutes ces dépendances où la population blanche était fort peu nombreuse.

Plus tard, lorsque l’ancien système mercantile fut abandonné, lorsque le mouvement libéral anglais eut abouti en 1846 à l’abolition des lois-céréales et à l’établissement du libre-échange, lorsque enfin l’Australie et le Canada eurent assez développé leur richesse et leur population pour que des institutions représentatives et bientôt le self-government complet leur fussent accordés, on