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et que beaucoup de saints, mariés avant leur conversion à l’Eglise chrétienne, firent vœu de vivre dans le désert avec leur femme, mais de l’aimer comme une sœur. Leur sainteté leur fit ainsi une seconde virginité, infiniment plus belle et plus méritoire que la première, puisque la tentation était là, tout à côté des mariés. Ils y gagnèrent le ciel d’où ils nous bénissent, et l’honneur d’être inscrits sur notre calendrier.

2° On fera lire à la fiancée Platon et tous ses dialogues, afin qu’elle ait pour le corps périssable le juste mépris qu’il mérite ; et elle ira à l’autel sans toucher la main de ce guerrier, notre cousin, qui l’a déjà devancée, à ce qu’il paraît (d’après votre récit), dans ces pieuses résolutions. La nuit elle n’aura pas besoin de prendre de chloroforme, comme la jeune et prudente Anglaise que vous savez. Personne n’attentera à sa pudeur, et vous entonnerez avec les deux époux un cantique d’actions de grâces.

Félicitez donc Fulgence, que je vois très proche du Paradis en ce moment.

Saint Augustin dit que nous renaîtrons après Josaphat dans notre corps, mais à la condition de ne pas nous en servir. Il sait parfaitement que ce corps aura trente-trois ans, âge de la mort de N. -S. (ceci a fait murmurer les jeunes filles mortes à dix-huit ans, et que l’on vieillit). Il ajoute que notre corps aura la taille de 5 pieds 3 pouces, qui était celle de J.-C. Enfin il n’y a point de mystères pour les saints, puisque tout est si bien expliqué par eux, et nous en aurons deux dans notre famille, où je n’en connaissais pas encore. Cela doit vous causer, ce me semble, une grande joie, chère belle amie ; et comme c’est aujourd’hui samedi saint, recommandez-moi à leurs prières, quoique indigne (selon la formule des capucins).

Bonsoir, chère belle amie, voilà cinq heures du matin, et peut-être le jour m’apportera-t-il ce qu’il ôte aux autres, quelques momens de sommeil ?


XXII


Paris, lundi 29 septembre 1862.

Tout souffrant que je suis, j’attendais minuit avec impatience pour vous écrire en paix. Tout le jour j’ai gardé Lydia pour m’efforcer de la distraire de ce qu’elle souffre. Sa vue s’affaiblit de plus en plus et ce n’est qu’après des douleurs de tête d’une