dit dans le procès qu’elles ne l’ont pas toujours été autrefois. Qui sait si le général de Caprivi n’a pas été la victime de complots de ce genre ? Lui aussi avait peu de goût pour la police politique, et il lui témoignait même quelque dédain. On a rappelé au procès que c’est le lendemain de son arrivée au pouvoir que les calomnies indirectes, détournées et perfides, ont commencé à remplir les journaux. Était-ce Tausch qui déjà travaillait, et qui a été à cette époque plus heureux qu’aujourd’hui ? Peut-être. Mais si on voit clairement contre qui agissait Tausch, la question de savoir pour qui il le faisait reste encore sans réponse. Était-ce pour le comte d’Eulenbourg ? On n’en sait rien. Était-ce avec l’assentiment de celui-ci ? Rien ne le prouve. Le comte d’Eulenbourg est revenu de Vienne à la hâte pour déposer devant le tribunal. Il a avoué avoir eu quelques rapports avec Tausch, rapports très rares et insignifians. Il semble que Tausch ait essayé d’entrer dans sa confiance, et que le comte d’Eulenbourg ait flairé l’intrigue et se soit défié. Sa réputation de loyauté et d’honneur le défend jusqu’ici contre les soupçons que les explications de Tausch pourraient faire naître contre lui. Mais tout reste confus, obscur, incertain, sur les véritables inspirations auxquelles le policier a obéi. Lui étaient-elles personnelles, et cherchait-il seulement à satisfaire ses passions ? Lui venaient-elles du dehors, et suivait-il par intérêt la route qui lui avait été tracée ? C’est ce qu’on ignore, et ce qu’on ne saura peut-être pas de sitôt.
L’homme qui a mené tout le procès, qui a mis les accusés au pied du mur, qui les a obligés à parler, qui a parlé lui-même avec le plus de vigueur et même d’abondance, tirant de chaque fait qu’on venait d’éclaircir les conséquences morales qu’il comportait, ce n’est ni le président du tribunal, ni le représentant du ministère public, mais bien M. de Marschall. La personnalité du secrétaire d’État aux affaires étrangères se dessine depuis quelques jours avec un relief très frappant. M. de Marschall, naguère encore peu connu du grand public et qui passait seulement pour un diplomate de bureau, attire sur lui tous les regards. On n’a pas oublié le langage prudent, sensé, habile, qu’il a tenu en répondant à la question adressée au gouvernement à propos des révélations du prince de Bismarck : tout était médité, pesé, à la fois précis et circonspect, catégorique et réservé, dans ce remarquable discours où le secrétaire d’État aux affaires étrangères disait tout ce qu’il voulait dire et pas un mot de plus. Au cours du procès d’hier, il s’est beaucoup plus abandonné, mais toujours à bon escient. Au lieu de laisser l’affaire traîner et peut-être se perdre dans des interrogations en quelque sorte professionnelles, il a foncé droit sur l’adversaire, déclarant qu’il n’avait aucune confiance dans la police politique, qu’il la connaissait et la surveillait, qu’elle avait commis des « infamies véritables », que ces infamies avaient particulièrement consisté en calomnies contre l’office des affaires étrangères et contre